Le juge Président Cuno Tarfusser a rejeté une énième demande de la défense de Laurent Gbagbo de reporter l’audience qui va débuter le 1er octobre. Dans une décision du 21 septembre 2018, le juge italien a rendu un certain nombre de décisions qui confirment la reprise prochaine du procès de l’ancien Président Laurent Gbagbo et de son ministre Charles Blé Goudé.
Les décisions du juge Cuno Tarfusser
Le juge Cuno Tarfusser, agissant en qualité de juge unique au nom de la Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale, et en qualité de président de la Cour dans l’affaire Le Procureur c. Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, 60, 61 (11), 64 (6) (a) et 64 (8) (b) du Statut de Rome («Statut») et les règles 118 et 119 du Règlement de procédure et de preuve («Règlement»), publie la présente décision sur la demande de la Défense concernant la suite de la procédure après le dépôt par le procureur et la RLV de leur réponse à la requête de la Défense en vue d’un jugement d’acquittement Gbagbo ”et sur les demandes présentées dans la“ Réponse de M. Blé Goudé à la Requête de la Défense concernant la suite de la procédure après le dépôt par le Procureur et la RLV de leur réponse à la requête de la Défense pour un jugement ” d’acquittement soit prononcé en faveur de Laurent Gbagbo »(ICC-02 / 11-01 / 15-1208-Conf)».
I. Contexte procédural.
1. Le 9 février 2018, la Chambre a rendu l’ordonnance relative à la poursuite de la procédure («première ordonnance»).
2. Le 19 mars 2018, le Bureau du Procureur a déposé le «Mémoire de première instance de l’Accusation présenté conformément à l’ordonnance de la Chambre relative à la poursuite de la procédure».
3. Le 23 avril 2018, la Défense de M. Charles Blé Goudé et la Défense de M. Laurent Gbagbo ont déposé leurs observations sur la poursuite du procès.
4. Le 4 juin 2018, la Chambre a rendu la «deuxième ordonnance relative à la poursuite de la procédure» («deuxième ordonnance»).
5. Le 13 juin 2018, la Chambre a publié la «Décision sur la requête de l’Accusation urgente visant à obtenir des éclaircissements sur la norme relative à une requête en irrecevabilité».
6. Le 23 juillet 2018, la Défense de M. Charles Blé Goudé dépose la «Défense Blé Goudé, sans réponse à la requête» («Demande de M. Blé Goudé»).
7. Le 23 juillet 2018, la Défense de M. Laurent Gbagbo déposa la «Requête de la Défense de Laurent Gbagbo afin qu’un jugement d’acquittement important sur toutes les accusations soit rendu en faveur de Laurent Gbagbo et que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée ”(“ La demande de M. Gbagbo ”).
8. Le 10 septembre 2018, le Bureau du conseil public pour les victimes a déposé, au nom des victimes participant à la procédure, la «Réponse aux conclusions de la défense sur les questions factuelles spécifiques pour lesquelles les éléments de preuve présentés conviction »(« Réponse OPCV »).
9. Le 10 septembre 2018, le Bureau du Procureur a déposé la «Réponse de l’Accusation à la défense n’ayant pas à répondre aux requêtes» («Réponse du Procureur»).
10. Le 12 septembre 2018, la Défense de M. Laurent Gbagbo a déposé la «Requête de la Défense concernant la suite de la procédure après le dépôt par le Procureur et la RLV de leur réponse à la requête de la Défense pour un jugement un acquittement soit prononcé en faveur de Laurent Gbagbo ».
11. Le 14 septembre 2018, le Bureau du Procureur a déposé la «Réponse de l’Accusation à la demande de défense concernant la poursuite de la procédure pour répondre à la procédure».
12. Le 14 septembre 2018, le Bureau du conseil public pour les victimes a déposé, au nom des victimes participantes, la «Réponse à la Requête de la Défense concernant la suite de la procédure leur réponse à la requête de la défense afin qu’un jugement soit rendu soit en faveur de Laurent Gbagbo ‘».
13. Le 14 septembre 2018, la Défense de M. Charles Blé Goudé a déposé la «Réponse de la Défense à la Requête de la Défense concernant la suite de la procédure après le dépôt par le Procureur et la RLV de leur réponse à la requête de la Défense. afin qu’un jugement d’acquittement soit prononcé en faveur de Laurent Gbagbo »
II. Une analyse
14. La deuxième ordonnance de la Chambre a ordonné aux parties de soumettre «des communications écrites concises et ciblées qui favoriseraient un examen efficace par la Chambre». En réponse, les parties ont déposé respectivement des documents 311 (Défense Blé Goudé), 498 (Défense Gbagbo) et 1093 pages (Bureau du Procureur).
15. La longueur de la réponse du Procureur a suscité un certain nombre de demandes de la part des équipes de la Défense: en particulier, soit le rejeter in limine, car il ne respecte pas le second ordre, soit bénéficier d’un délai supplémentaire pour en tenir compte, en vue de préparer adéquatement l’audience et de mettre à jour leurs motions, le cas échéant. La Défense de M. Gbagbo demande également la traduction en français de la réponse du Procureur et le report de l’audience jusqu’à ce que cette traduction soit achevée.
16. En outre, la défense de Gbagbo demande à la Chambre de rejeter la réponse du BCPV dans l’incertitude ou, à défaut, de rejeter les parties qui dépassent les «vues et préoccupations» des victimes. A défaut, la défense de Gbagbo demande à recevoir deux semaines supplémentaires pour modifier sa demande à la lumière des communications du BCPV.
17. S’agissant de la demande de rejet de la réponse du Procureur dans les délais, la Deuxième Ordre a exhorté toutes les parties et tous les participants à déposer des «communications écrites concises et ciblées». Ceci également en vue de la tenue d’une audience publique où, conformément aux principes fondamentaux de la publicité et de l’oralité, toute nouvelle soumission serait entendue et discutée. En effet, la réponse du Procureur est extrêmement longue (1093 pages, contenant 6001 notes de bas de page faisant référence à des éléments de preuve) et contient un nombre important d’articles qui dépassent manifestement la portée et le but d’une «réponse» aux demandes de la Défense de rejeter les accusations.
18. De même, le rejet in liminé du document ne serait pas propice à l’efficacité et à l’efficacité de la procédure et n’est donc pas un recours adéquat.
19. En ce qui concerne la demande de traduction de la réponse du Procureur en français présentée par M. Gbagbo, le juge unique charge le Greffier de concevoir rapidement les modalités de la traduction pratiquement réalisables et compatibles avec la nécessité de veiller à ce que le procès ne soit pas retardé indûment, également en liaison avec la Défense de M. Gbagbo.
20. En ce qui concerne l’affirmation de la défense Gbagbo selon laquelle la réponse du BCPV devrait être rejetée dans la mesure où elle ne se limite pas à présenter les points de vue et les préoccupations des victimes, le juge unique n’est pas persuadé qu’il en est ainsi, notamment qu’un seul paragraphe de la réponse du BCPV traite réellement des points de vue et des préoccupations des victimes. Ceci est sans fondement et exagéré. En l’absence d’exposés détaillés à cet égard, la demande de la Défense est rejetée.
21. Les autres demandes de la Défense (en particulier, la demande de disposer de plus de temps pour se préparer à l’audience, y compris éventuellement la mise à jour des observations de la Défense) nécessitent un équilibre difficile entre les deux principes fondamentaux d’équité et de rapidité de la procédure. L’article 64, paragraphe 2, des statuts oblige à équilibrer les éléments suivants:
i. D’une part, le droit à un procès équitable, y compris le droit fondamental à la défense de disposer de suffisamment de temps et de moyens pour se préparer (art. 67 (1) b) du Statut) et de faire traduire les documents essentiels (article 67 (1)) f) du Statut);
ii. D’autre part, la rapidité de la procédure, qui comprend le droit de l’accusé d’être jugé sans retard excessif.
Les caractéristiques de la réponse du Procureur (notamment sa taille, son contenu et sa structure extrêmement complexe, ainsi que le fait qu’elle est rédigée en anglais uniquement), à la lumière des droits fondamentaux de l’accusé, rendent extrêmement difficile la recherche, à ce stade, une solution qui satisfait pleinement à la fois ces deux principes.
Le fait de rejeter la demande de traduction intégrale et de temps supplémentaire pour analyser le document affecterait inévitablement les droits visés à l’alinéa i), alors que l’accord porterait gravement atteinte au devoir et à l’obligation de la defense.
23. À la suite de l’exposé du Procureur, le BCPV aura l’occasion de présenter ses vues de la même manière, de manière concise et orale. Par la suite, la Défense aura la possibilité de répondre oralement et pourra demander un délai supplémentaire pour préparer une telle réponse, en totalité ou en partie, le cas échéant.
24. La Chambre peut également poser des questions spécifiques sur des questions de droit ou de procédure découlant de la réponse du Procureur ou des observations de la Défense à cet égard.
25. Enfin, la juge unique note que les documents déposés par la Défense, le Procureur et le BCPV sont
POUR LES RAISONS PRECEDENTES, LE JUGE UNIQUE
REJETTE la demande de la Défense visant à rejeter les réponses du Procureur et du Bureau du Procureur en retard;
REJETTE la demande de la Défense de reporter l’audience devant commencer le 1er octobre 2018;
ORDONNE au Procureur de répondre oralement à la demande de la Défense de rejeter toutes les accusations, de manière concise et ciblée, à l’ouverture de l’audience à compter du 1er octobre 2018;
DECIDE que le BCPV sera autorisé à présenter oralement et de manière concise ses vues à l’audience;
DECIDE que la Défense aura la possibilité de répondre oralement aux exposés du Procureur et du BCPV dans la mesure du possible et sans préjudice de leur demander un délai supplémentaire pour préparer une telle réponse, en totalité ou en partie;
DECIDE que la Chambre peut également poser des questions spécifiques sur des questions de droit ou de procédure découlant de la réponse du Procureur ou des arguments de la Défense à cet égard;
ORDONNE à toutes les parties et à tous les participants de déposer une version publique expurgée de leurs dossiers respectifs au plus tard le vendredi 28 septembre 2018 à 16h00;
CHARGE le Greffier d’élaborer rapidement les dispositions nécessaires à la traduction de la réponse du Procureur en assurant la liaison avec la Défense de M. Gbagbo.
Fait en anglais et en français, la version anglaise faisant foi.
Juge Cuno Tarfusser, Single Judge
21 September 2018