Le 22 mars dernier, la Banque africaine de développement (BAD) annonçait à Abidjan, un soutien de 283 milliards de FCFA à la Côte d’Ivoire pour la mise en œuvre de son « Programme social du Gouvernement 2019-2020 ». Évalué à 727,5 milliards de FCFA, le programme social du président Ouattara ressemble curieusement au précédent programme présidentiel d’urgence (PPU) qui s’est soldé par un échec avec une gestion opaque. Que peut donc espérer la population du nouveau programme social ?
Programme social du président Ouattara, une incohérence de la gouvernance des urgences nationales
A 24 mois de l’élection présidentielle de 2020, le président Alassane Ouattara avait annoncé, en janvier 2019, un programme social porté par son gouvernement pour soulager les familles en situation précaire. Santé, protection sociale, éducation, eau, assainissement, 156 actions prioritaires seront engagées. Parmi elles, une douzaine de « projets phares » prévus pour accentuer des programmes sociaux, la plupart du temps déjà existants. Le gouvernement promet ainsi de renforcer le programme de gratuité ciblée qui offre l’accès aux soins aux familles les plus pauvres. La Couverture mutuelle universelle (CMU) doit être opérationnalisée.
L’enveloppe bénéficiera aussi aux « programmes de filets sociaux productifs », qui permettent à plusieurs dizaines de milliers de ménages pauvres en milieu rural de toucher chaque trimestre une allocation de 36 000 FCFA. Autres mesures annoncées, le renforcement du programme d’accès à l’eau potable en milieu rural, l’accélération du programme des logements sociaux et la baisse de 20% du tarif modéré de l’électricité, a annoncé le gouvernement.
Ce programme qui apparait comme une solution pertinente risque de ne pas aller à terme de son objectif pour plusieurs raisons bien évidentes. La définition d’un tel programme a quelques mois de l’élection présidentielle de 2020, convainc de son objectif. Un effet d’annonce qui sert des slogans politiques comme le fameux « l’État travaille pour vous ».
Il ne se passera rien dans la période 2019 et 2020, où le gouvernement est plus porté à consolider ses acquis politiques que de penser au peuple. À moins qu’Alassane Ouattara veuille se maintenir au pouvoir, son départ laisserait de grosses dettes au prochain gouvernement. Par ailleurs, la mise en place d’un tel programme social est en contradiction avec la gouvernance des politiques du gouvernement, du fait que le programme social reprend des pans de la politique nationale développement.
La rareté de l’eau potable dans le pays est une réalité, le difficile accès aux soins par de nombreuses populations du pays n’est un secret pour personne, encore moins le chômage de masse des jeunes. Pourquoi donc un programme social s’il y’a un ministre en charge de l’emploi jeunes, un autre en charge du social et de la famille ou encore en charge des infrastructures ? Il est incohérent de la part du président Alassane Ouattara d’engager un tel programme social.
Programme social du gouvernement, un autre échec programmé et des détournements assurés.
Doter les ministères techniques en charges de ses questions de moyen serait bien plus efficace pour solutionner ses questions, en principe, car les programmes sociaux ou d’urgence n’ont jamais été efficaces dans le pays. Sinon quel a été l’impact du programme présidentiel d’urgence (PPU) doté d’un fond annuel initial de 45 milliards à 200 Milliards de FCFA, gérés par le frère cadet du chef de l’État, Birahima Téné Ouattara ? Ce fonds qui a englouti 412 milliards de francs CFA sans véritablement impacter la vie des populations avait le même objectif que le programme social.
L’adduction en eau potable (la réparation de pompes villageoises, la réalisation de forages, la réhabilitation de stations de traitement, l’extension et le renforcement de réseaux de distribution ainsi que la construction de borne-fontaine), le domaine de la santé (la réhabilitation de CHR et de CHU ; l’équipement partiel des centres de santé en appareils de dialyse, fauteuils dentaires, ambulances et groupes électrogènes), l’éducation (la distribution de kits de fournitures scolaires, cartables, cahiers, stylos, la réhabilitation et l’équipement d’établissements), la santé, le développement de l’éclairage public ; la réhabilitation et l’extension des réseaux, l’aide financière aux plus démunis pour faciliter leur branchement aux réseaux de distribution, la salubrité urbaine (le ramassage des ordures et l’élimination des dépôts sauvages dans les chefs-lieux de département) .
Rien de tout cela n’a vu le jour. Au-delà de quelques réalisations médiatisées, le PPU a servi de caisse noire au RHDP au pouvoir. Un audit avait révélé une déperdition d’un montant de 240 milliards FCFA que le gouvernement s’était engagé à épurer. « Il est bon que les Ivoiriens s’informent, il n’y a pas plus de deux semaines qu’une communication est passé en Conseil des ministres sur l’apurement du passif audité pour un montant de 240 milliards FCFA », a déclaré le ministre ivoirien du Commerce, de l’Artisanat et de la promotion des PME d’alors Souleymane Diarrassouba.
Le FMI avait été obligé de demander la suppression du fonds pour gestion opaque. Sans audit ni bilan, le PPU avait disparu. Aujourd’hui, le président Ouattara remet le couvert avec un programme similaire dont le financement est reparti entre différents acteurs. Sur les 727,5 milliards de FCFA consacrés à ce plan, 300 seront pris sur le budget de l’État, 250 seront fournis par les partenaires techniques et financiers. Reste 177 milliards de FCFA de financements à trouver. Il faut noter que la Banque africaine de développement a déjà consenti un prêt de 283 milliards de FCFA pour la mise en œuvre de ce programme social aux contours aussi flous que celui du PPU.
Nelson Zimin