Après la publication de la décision motivée de la Chambre préliminaire I de la CPI à propos de l’acquittement et la libération de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, les deux juges qui ont fait peser la balance du côté des accusés ivoiriens ont expliqué les raisons de leur choix. A la suite de Henderson Geoffrey, Cuno Tarfusser, le juge-président qui a mené de bout en bout ce procès marathon, s’explique à son tour.
Cuno Tarfusser « Je suis d’accord avec l’issue du procès »
Cuno Tarfusser, le magistrat italien qui a pris la courageuse décision de libérer Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, n’entend pas rester silencieux face aux tentatives de la procureure Fatou Bensouda de poursuivre ce procès. Dans une note dont copie nous est parvenue, le juge président donne les motivations de sa décision, dont nous publions la première partie, ce lundi. Restez scotchés sur Afrique Sur 7, car la suite de ses propos, c’est pour demain.
1. Je suis tout à fait d’accord avec l’issue majoritaire de ce procès. Je suis entièrement d’accord avec mon collègue, le juge Geoffrey Henderson, pour dire que l’acquittement des deux accusés est la seule issue possible et juste pour ces procédures. Aux fins du raisonnement majoritaire, je confirme que je souscris aux conclusions factuelles et juridiques contenues dans les » Motifs du juge Henderson « .
2. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire, ou sage, d’engager ici un débat sur la nature de la décision. Je note que, de l’avis du juge Henderson, » l’article 74 ne semble pas fournir le fondement approprié pour rendre des décisions sur les requêtes en irrecevabilité « :
1. A différents stades de cette procédure, j’ai eu l’occasion d’exprimer mon point de vue sur la question et, plus particulièrement, sur la procédure » no case to answer « .
2 A ce stade, je me souviendrai de la décision orale d’acquittement, déclarant que, selon la majorité, » la Défense n’a pas besoin de présenter d’autres éléments de preuve puisque le Procureur ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve en ce qui concerne plusieurs éléments constitutifs essentiels des crimes dont il est accusé »
3, ainsi que la décision rejetant, par la majorité, la demande du Procureur de maintenir M. Gbagbo et M. Blé Goudé en détention, qui précisait que la majorité » s’est limitée à évaluer les éléments de preuve présentés et si le Procureur s’est acquitté du fardeau de la preuve dans la mesure nécessaire pour justifier une réponse de la Défense »
4. Je me référerai également aux déclarations du juge Henderson selon lesquelles » l’effet pratique d’une décision selon laquelle il n’y a pas d’affaire à répondre conduit à un acquittement » et que » même si une décision selon laquelle il n’y a pas d’affaire à répondre ne constitue pas un jugement formel d’acquittement fondé sur l’application du critère du doute raisonnable conformément à l’article 74 du Statut, elle a un effet juridique équivalent en ce que l’accusé est officiellement innocenté et ne peut être jugé de nouveau pour les mêmes faits et circonstances » ; et c’est mon plein accord et mon soutien à ce résultat équivalent que je tiens à souligner.
Toutefois, il s’agit dans une large mesure d’un débat purement théorique ; ce qui n’est pas du tout théorique, c’est que la majorité a acquitté M. Gbagbo et M. Blé Goudé de toutes les charges parce qu’elles ne sont pas étayées par les preuves…
(A suivre)