»La vie et la mort sont au pouvoir de la langue », disent les saintes écritures. Cette assertion n’a jamais pris autant son sens à l’observation des derniers développements de la politique ivoirienne. L’opposition qui subit impuissante, les assauts du pouvoir, avec Guillaume Soro candidat déclaré avec une tonne de grelots au pieds. Ce pays s’apprête à organiser des élections avec une commission électorale indépendante imposée. Si le synopsis du déroulement des activités politiques, présage des tensions à l’horizon 2020, l’après élection sera un enjeu majeur de la responsabilité collective des ivoiriens.
Une opposition en apprentissage de son rôle politique et en défaut d’unité autour du PDCI.
Une sorte de pérégrination motivée par la reconquête du pouvoir, du prestige et régler quelques contentieux politiques. L’opposition ivoirienne qui se débat pour exister dans une arène politique monopolisée, a du mal à poser les vrais problèmes.
Encore si elle arrive à trouver une unité dans un deal de sorcières, ce n’est pas forcément gagné pour un projet de société ou un programme de gouvernement. Dès sa démission en février 2019 de la présidence de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro était déjà en campagne dans une posture de candidat déclaré et revanchard.
La froideur du président Henri Konan Bédié, suite à leurs échanges, en était très évocatrice. Un malaise mal contenu entre deux hommes qui avaient tous les deux soutenu Alassane Ouattara dans sa quête du pouvoir en 2010.
Ils avaient tous les deux cogéré le pays dans une alliance avec le chef de l’Etat au cours de ses deux mandats. Il ne faut pas omettre ce fait politique majeur qui a cessé sur la base de désaccords d’intérêts. Sont-ils alors crédibles pour porter la réplique aux travers de gouvernance du RHDP, puis incarner une nouvelle offre politique? Pas si sûr.
Mais en se rapprochant du FPI socialiste en errance, Le PDCI pensait trouver la meilleure formule. Mais là encore l’apprentissage est douloureux car les grelots de Guillaume Soro, sont assourdissants pour le camp Gbagbo.
On n’en veut pas et Blé Goudé pas intéressé. De toutes les manières, le FPI qui a mal à son unité a du mal à se projeter sans Gbagbo. Défaut de leader donc! Pendant ce temps, Guillaume Soro s’est décidé à assumer sa posture de candidat….enfin ouvertement!
Abidjan reste fidèle au modèle de gestion des élections qui a garanti à Alassane Ouattara son accession au pouvoir.
Face à une opposition qui cerne mal les problèmes dans une absence de stratégie, les revendications de réformes de la CEI portées par elle, ont été ignorées par le président de la République.
Si elle n’a pas mis en cause le choix de Semlex pour la confection de documents biométriques, alors que l’appel d’offre était biaisé, pourquoi prendre en compte ses revendications partielles?
La Composition du conseil constitutionnel n’a que séquentiellement été posée par des députés de l’opposition. Alors là où une réforme de la CEI était attendue, le RHDP a répondu par l’augmentation des représentants du chef de l’État au sein de la commission centrale.
Mieux, l’ancien président de la commission, proche et parent du ministre de la défense, a été remplacé par un membre de sa famille: Coulibaly Kuibert, neveu de Youssouf Bakayoko, comme Bamba Yacouba, ex porte-parole de l’institution.
De plus, de sources judiciaires à Abidjan, le président du conseil constitutionnel jouit d’une influence presque paternelle sur le nouveau président de la commission électorale indépendante.
Ce qui présage de quelques mots d’ordre. Mais, au-delà de ses proximités, la matérialité de la compétence du nouveau président de la commission en tant que magistrat, ne peut être mise en cause.
Ce qui rend presqu’impossible de remettre en cause ce choix sur la base du népotisme qui est de tradition dans l’administration ivoirienne, et exacerbée avec le pouvoir en place.
De plus, le recours de l’opposition auprès de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, a été jugée recevable. Cependant, la viabilité de l’opposition politique, ne pourrait contraindre le pouvoir d’Abidjan à exécuter l’arrêt de cette cour, comme celui de novembre 2016.
Dans cet environnement qui étouffe l’expression des différences politiques et coupe au PDCI ses barons et financiers par justice interposée (affaires Akossi Bendjo et Mangoua Jacques), que peut Guillaume Soro en tant que candidat déclaré?
Guillaume Soro l’assume enfin: « Je suis Candidat à l’élection présidentielle de 2020, et je fais cavalier seul »
Si les Etats-Unis se sont lavés les mains des relations avec Guillaume Soro, c’est bien parce qu’il reste un rebelle qui veut se blanchir. Les grelots qu’il traine depuis le début de la crise en 2002, semblent produire aucun son aux oreilles de quelques ivoiriens devenus partisans.
Au-delà du fait que Soro Guillaume manœuvre assez-bien pour resté d’actualité en Côte d’Ivoire, il ya des faits, passifs de la crise, qui décrédibilisent son offre.
Son mouvement Générations et Peuples Solidaires, est une dissonance au chant de liberté d’un peuple qu’il a fait martyr sur l’autel du mensonge politique. Le peuple de Côte d’Ivoire serait-il complice de son auto flagellation?
C’est ici qu’il faut craindre l’issue des élection de 2020. Rejeté par des groupements politiques forts de l’opposition, Guillaume Soro est isolé avec quelques fidèles dans son téléphérique politique dont la destination semble le sommet de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Or, si le PDCI se voit dépouiller de ses soutiens essentiels sur fond de poursuite judiciaire, ce n’est pas Soro que Ouattara va ignorer. Des Dossiers pour le mettre en difficulté, il y en a des tonnes.
De l’affaire de la casse de la BECEAO à la mort d’IB, il y a eu la purge des proches de ce dernier entre 2003 et 2004. Adams, Mobio, en passant par la mort des 60 gendarmes de Bouaké et celle des personnes mortes dans un container à Korhogo au plus fort de la rébellion.
Être candidat pour survivre à des poursuites judiciaires, est bien malin. Il pourrait aisément clamer le musèlement de l’opposition ou des règlements de compte politiques pour se défendre.
Mais il devra expliquer aux ivoiriens dont il sollicite le suffrage, la présence de 6 tonnes d’armes au sous-sol du domicile de son chef de protocole en 2017, acte loin d’être isolé.
Si le procureur Koné Braman a condamné un élu jouissant de la présomption d’innocence, en ignorant toutes les règles de droit, Guillaume Soro est donc éligible à des poursuites judiciaires.
Quelle issue démocratique donc pouvons-nous espérer de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire? Où les intérêts et enjeux de survie politique se mêlent à une soif de liberté des acteurs en présence.
Le peuple de Côte d’Ivoire devrait-il encore mourir pour des personnes qui, ces 20 dernières années, n’ont été bons qu’à le piller?
Quelle alternative pour le peuple de Côte d’Ivoire, qui regarde tout impuissant se mettre en place le bis repetita de 2010?