
Lorsqu’il revint au pays, après avoir triomphé de la Cpi, le président Laurent Gbagbo a eu à donner des coups de pied dans la fourmilière du paysage politique ivoirien, avec des décisions de rupture qui ont suscité des réactions de divers ordres. La dernière fut l’annonce de la mise sur pied d’une nouvelle structure politique en lieu et place du FPI. Si ses deux premières décisions à l’allure de rupture, prises au lendemain de son retour en Côte d’Ivoire revêtaient un caractère personnel et strictement privé, la troisième ne l’était pas du tout et pour cause !
Rupture avec Gbagbo: Affi N'guessan franchit le rubicond en s'alliant au RHDP
En effet, pour le contrôle du Front Populaire Ivoirien (FPI), parti qu’il a porté sur les fonts baptismaux avec certains de ses camarades en 1988, de nombreuses personnes s’attendaient à ce qu’il engageât un bras de fer avec son ancien premier ministre, M. Affi N’guessan. Arc-bouté sur une « légalité » à lui conférée par la justice ivoirienne, et sûr de son fait, M. Affi attendait cet épisode de l’histoire du FPI, qui en toute logique aurait certainement fini en justice...et à son avantage.
De nombreux journalistes, des analystes politiques et des détracteurs de Laurent Gbagbo avaient déjà affûté leurs plumes pour fondre sur celui-ci. Le ton était déjà donné par la publication d’articles, présentant le président Gbagbo comme un assoiffé du pouvoir, qui n’a pas honte de disputer le leadership du FPI avec son lieutenant, après avoir assumé les plus hautes charges du pays. Mais ayant anticipé sur ce qu’aurait été une telle situation sur son image et celle de ceux qui se retrouvent en lui, il a intelligemment évité la confrontation, et partant le piège, en laissant le FPI à M. Affi.
Il a donc décidé de mettre sur pied une autre structure politique, rassemblant tous ceux qui ont une convergence de vue avec lui. Ainsi naquit le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI). L’histoire vient de donner raison au président Gbagbo, avec l’annonce faite par M. Affi d’être en alliance avec le Rhdp, pour les élections municipales et régionales prochaines. Ce dernier vient de franchir le rubicond. Refoulé une première fois par le chef de l’Etat, qui avait annoncé avoir refusé l’alliance que lui proposait M. Affi, du fait d’une divergence idéologique profonde entre le Fpi et le Rhdp, M. Affi vient d’obtenir aujourd’hui gain de cause.
Quand Affi dévoile sa vraie face
Cela permettra certainement à son parti de survivre et d’obtenir quelques strapontins. En effet, aux élections législatives de ces dernières années, le Fpi de M. Affi n’a pu glaner que 5 sièges au total : 3 en 2015, et 2 en 2020. Avec son « lobbying gagnant», espérons seulement que les choses iront de mieux en mieux pour ce parti. Mais doit-on s'étonner de ce qui arrive ? Assurément non. De nombreux observateurs de la vie politique en Côte d’Ivoire, voyaient venir la chose, au point de qualifier M. Affi « d’opposant opposé à l’opposition ».
Mais ses anciens camarades avaient également la conviction que leur ancien camarade avait une démarche et une attitude qui n’inspiraient pas confiance. Et cela à travers un fait. En effet, de retour de Bruxelles après un rendez-vous manqué avec le président Gbagbo, M. Affi N’guessan avait fait une sortie tonitruante au cours d’une conférence de presse. Cette sortie avait eu le mérite d’apporter un éclairage au conflit de leadership qui sévissait au FPI, et a mis en perspective ce qui allait advenir.
Sous l’effet de la colère de ce qu’il considérait comme une humiliation, M. Affi s’était laissé aller, pour s’épancher et dire tout haut ce qu’il pensait du président Gbagbo, dans le silence de son cœur. Ce qu’il avait jusque-là contenu par convenance politique et peut-être par calcul politicien, est sorti dès lors que la colère a fait tomber toutes les barrières.
La Côte d’Ivoire, entre reniements et transhumances
Avec cette sortie et plus tard avec les publications de ses collaborateurs, il apparaissait évident que recoller les deux morceaux du FPI, relèverait d’un miracle, et surtout que l’homme n’avait aucune intention de céder le poste de président du Fpi à son fondateur. Assurément un ressort était cassé.
En prenant la décision de ne pas engager un bras de fer avec son ancien premier ministre, le président Laurent Gbagbo s’est donc refusé à se donner en spectacle et à donner du grain à moudre à ses détracteurs. Il a eu le nez creux. La « bataille de Kirina » n’a donc pas eu lieu, car il y a des batailles qui ne valent pas la peine d’être menées. La suite se présente à tous aujourd’hui dans toute sa nudité. En franchissant le rubicond de l’alliance avec le parti au pouvoir, il va sans dire que c’est un voyage sans retour, et que l’espoir qu’entretenaient certains militants de ce que fut le Fpi originel, de pouvoir se retrouver un jour malgré les divergences survenues, s’est lui aussi envolé.
Mais bon, attendons seulement de voir la touche socialiste qui sera portée au Rhdp par le Fpi comme annoncée. Demain nous situera certainement. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours. Ainsi va le pays, entre reniements et transhumances. Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.