Blaise Compaoré, ex-Président du Burkina Faso, chassé du pouvoir à la suite d’une insurrection populaire en octobre 2014, semble sur le retour à Ziniaré, son village. Il vit en exil en Côte d’Ivoire depuis bientôt sept ans. L’Ivoirien, puisqu’il a été naturalisé pour empêcher son extradition dans son pays, est en pleine tractation avec le régime de l’actuel chef d’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, pour rentrer au pays.
Burkina Faso : Blaise Compaoré, que prépare le président Roch Marc Kaboré ?
Lors de la campagne présidentielle qui a conduit, le 22 novembre 2020, à sa réélection, le président Roch Marc Christian Kaboré, évoquait à Ziniaré, fief de l’ancien Président Blaise Compaoré, la question du retour au Burkina Faso de celui qui a été à la tête du Faso durant 27 années. « Tous ceux qui sont à l’extérieur peuvent revenir au pays. Ceux qui n’ont pas de problèmes en justice n’ont rien à craindre. Quant au président Blaise Compaoré qui a gouverné le pays pendant 27 ans, il ne peut revenir comme les autres. Il faut qu’on prépare les choses pour que tout soit clair pour tout le monde avant qu’il ne revienne dans son pays », avait déclaré le chef de l’État de ce pays de l’Afrique de l’Ouest, face aux parents de son ancien patron. Il faut noter que du 22 mars 1994 au 6 février 1996, Roch Marc Christian Kaboré avait été Premier ministre de l’ancien Président Burkinabé devenu ivoirien.
Réélu dès le premier tour à 57,87 % des suffrages, l’homme fort de Ouagadougou a réitéré, lors de sa prestation de serment le lundi 28 décembre 2020, son engagement à œuvrer pour une « réconciliation » véritable entre toutes les filles et fils du Burkina Faso. Pour ce faire, le chef de l’ Etat a promis d’ouvrir, au cours de son second mandat, « une large concertation pour la réconciliation nationale » afin que « la réconciliation nationale que j’appelle de tous mes vœux (soit) structurelle ». Chose promise, chose due.
Lors de la formation de son tout nouveau gouvernement, Roch Marc Christian Kaboré a bel et bien créé un ministère en charge de la réconciliation qu’il a pris le soin de confier à un de ses ex-challengers lors de la présidentielle de novembre 2020. « Est nommé ministre d’État, ministre auprès du président du Faso, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale M. Zephirin Diabré », a fait savoir, dimanche dernier, Stéphane Sanou, le secrétaire général du gouvernement burkinabé. Une bonne nouvelle donc pour Blaise Compaoré, au cœur des débats sur la réconciliation dans son pays. Peu après sa chute, la justice burkinabè s’était lancée aux trousses de l’ancien chef d État. Un mandat d arrêt avait même été émis contre lui pour l’assassinat de Thomas Sankara.
Selon le Premier ministre Christophe Dabiré, la nomination de Zéphirin Diabré répond à la nécessité de poursuivre la consolidation des actions du développement car l’ex-chef de file de l’opposition et 3è de la présidentielle de novembre au Burkina Faso, « est appelé pour accélérer la réconciliation nationale et la cohésion sociale ». À vrai dire, Zéphirin Diabré n’est pas un novice dans les questions de résolution de crises et de réconciliation nationale. Dans une tribune publiée en septembre 2020, soit moins de 2 mois avant le scrutin présidentiel de novembre de la même année, l’opposant burkinabé s’interrogeait déjà sur la question : « Burkina Faso : La réconciliation, pourquoi ? et Comment ? ».
Pour celui qui est aujourd’hui ministre d’État, ministre auprès du président du Faso, chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, « la réconciliation apparait comme étant la première étape dans notre quête de rétablissement de l’intégrité de notre territoire et du retour de la cohésion sociale ». «L’histoire politique du Burkina Faso est jalonnée de remous sociaux, entrecoupés de coups d’État et de manifestations socio-politiques, qui ont engendré des pertes en vies humaines, des blessés et des destructions de biens. Les crimes emblématiques de sang tels que les affaires Thomas SANKARA, Boukary DABO et Norbert ZONGO, n’ont toujours pas connu de justice. En 2001, le gouvernement de Blaise COMPAORÉ, sur l’impulsion du Collège des sages, avait organisé une journée de pardon qui n’avait malheureusement pas été consensuelle parce que n’ayant pas tenu compte du triptyque vérité-justice-réconciliation. Le pardon n’avait donc pas véritablement eu lieu », dénonçait-il.
Au regard des échecs enregistrés par cette tentative de réconciliation, Zéphirin Diabré proposait, toujours dans sa tribune, que la construction de la réconciliation nationale se fasse sous le triptyque vérité-justice-réconciliation. Pour cela, il convient de rassembler toutes les forces-vives de la nation pour réfléchir sur la trajectoire à baliser pour le retour de la paix et la réconciliation.
« La réconciliation doit surtout rétablir la vérité sans complaisance. Elle doit éviter « la vérité des vainqueurs ». Les Burkinabè doivent savoir qu’il y a des concitoyens qui ont souffert dans leur chair et dans leur esprit du fait des agissements des régimes politiques passés et actuels (comme pratiquement dans chaque pays africain). Cette vérité pourra non seulement apaiser les cœurs des victimes et de leurs familles, mais fera en sorte qu’elles soient mieux disposées à accorder leur pardon aux auteurs de crimes, tout en permettant à la justice de faire efficacement son travail », soutient le nouveau ministre burkinabé de la Réconciliation nationale.
Certes, au moment où il tenait ces propos, Zéphirin Diabré était encore Chef de file de l’Opposition politique, mais force est de reconnaître que si cette conviction guide ses actions actuelles à la tête du département ministériel qui vient de lui être confié, il n’y a pas de raison que la réconciliation tant souhaitée entre les Burkinabè, ne soit une réalité. Ce qui prendrait en compte le retour au Burkina Faso de l’ancien chef de l’État Blaise Compaoré, en exil à Abidjan (Côte d’Ivoire) depuis sa chute du pouvoir en 2014.