Une mission de l’ONU pour les élections a séjourné à Abidjan le 12 Novembre 2019. Au menu de la rencontre de la mission onusienne avec la Commission électorale indépendante (CEI), la définition des besoins de la CEI pour la bonne tenue de la prochaine présidentielle. Pourquoi la Côte d’ivoire solliciterait une telle mission à quelques mois de l’élection présidentielle alors que le gouvernement affirme être prêt?
Une requête du gouvernement qui cadre mal avec la mission de l’ONU
L’Etat de Côte d’Ivoire aurait sollicité l’ONU pour superviser la prochaine élection présidentielle d’octobre 2020, mais aussi pour la financer. Une élection qui, pour plusieurs observateurs, pourrait être source de fortes tensions. Le contexte politique assez fragile du pays, le désarmement des milices combattantes qui n’a été qu’un effet d’annonce et des dissensions politiques, en donnent une forte impression. De plus, la crise autour de la réforme de la Commission électorale indépendante, qui a abouti à la nomination d’une nouvelle commission centrale, a achevé de diviser les acteurs sur la crédibilité de l’ensemble du processus.
C’est dans un environnement de méfiance et de déni des lois ivoiriennes, que le gouvernement et l’opposition conduisent les ivoiriens à des élections. Dans ce contexte, il aurait été compréhensible pour le citoyen lambda de voir l’opposition solliciter des partenaires internationaux pour accompagner le processus électoral. Tel n’est pas le cas en Côte d’Ivoire. Alors que le porte-parole du gouvernement, Sidi Tiémoko Touré insiste sur le fait que le pays est « suffisamment outillé pour organiser ces élections de manière autonome », il apparait incohérent qu’une mission de l’ONU vienne « définir les besoins de la nouvelle commission électorale indépendante » pour l’organisation des élections. Comment une institution qui a l’expérience de nombreuses élections n’aurait pas encore défini ses propres besoins à quelques mois de l’élection présidentielle?
Ouattara prolonge l’hypothèque sur la Côte d’Ivoire
Si personne ne sait la contribution financière de l’ONU et de l’Union Européenne dans le financement de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, cela représente quand même une grave atteinte à la souveraineté du pays. Un adage dit que « c’est celui qui paie les musiciens qui commande la musique ». Pourquoi l’ONU financerait une élection en Afrique alors que l’institution même est en difficultés financières? La dernière élection présidentielle en République Démocratique du Congo a montré la capacité d’un pays à assumer ses responsabilité. Mais elle a également mis en lumière l’aspect facultatif des organisations internationales dans l’organisation des élections en Afrique.
Après avoir décliné les propositions de financements et sollicitations de l’ONU et de l’Union Européenne à prendre part à la supervision de l’élection présidentielle, le gouvernement congolais a pris ses responsabilités. Il a non seulement financé seul le budget de plus 450 millions $, mais aussi mis en place le dispositif logistique nécessaire pour rendre possible le scrutin sur l’étendue du territoire. Cela a eu pour conséquence d’éviter les pressions internationales pour trouver une issue à un contentieux résultant de la proclamation des résultats. De plus, aucun opposant ne pouvait s’appuyer sur un partenaire extérieur pour imposer ses réclamations.
Dans un pays comme la Côte d’Ivoire où la situation économique est réluisante selon les institutions de Breton Woods, pourquoi le gouvernement serait-il en manque d’un budget qui n’atteint pas les 100 milliards Fcfa pour organiser ses élections? Que signifie « définir les besoins » de la CEI alors que sa mission est l’organisation matérielle des élections? Tout compte fait, le gouvernement ivoirien ne rassure pas dans sa démarche et sa gestion du processus politique et électoral actuel. Si la Commission électorale indépendante exécute le plan de l’ONU, la communauté internationale excusera-t-elle un troisième mandat pour Ouattara ou une modification de la Constitution? Assisterons-nous à une crise électorale avec une prolongation du mandat du président sortant sous l’égide de l’ONU?
Alors que la République Démocratique du Congo, pays en crise, réussit à mobiliser une fortune pour garantir la paix, la Côte d’Ivoire reste encore dans les passifs de pratiques non productives. Dans ces conditions, le pays continuera d’être prospère en théorie et les retombées économiques au profit des multinationales étrangères. S’il est vrai que la démocratie va avec le développement économique, il est tout aussi vrai que le mode de financement des élections, conditionne les choix et les acteurs de nos économies africaines.