Certains parleraient de retournement spectaculaire de situation et d’autres, de dictature. Mais entre les deux, il y a une manœuvre habile du chef de l’Etat ivoirien de maintenir l’emprise de son parti et de son clan sur la Côte d’Ivoire. Un manager froid et objectif, doublé d’un tacticien habile. Comment l’on a pu laisser Alassane Ouattara monopoliser le jeu politique en Côte d’Ivoire ? Mon frère KABAKO, je te présente la situation aussi simplement.
Alassane Ouattara dynamite l’opposition et devient le maître du jeu à Abidjan
Mon cher cousin, la politique est une saine appréciation des évènements, dit-on. Mais savoir en tirer partie est une autre problématique que seuls maitrisent les managers en politique. Alassane Ouattara ne s’est pas contenté d’écouter les rapports des services de renseignements ivoiriens. Il en a fait un outil clé de décision, dans sa stratégie de politique intérieure.
Tu te souviens que Guillaume Soro avait moyennement convaincu l’opposition classique que le PDCI-RDA du vieux Bédié, tente d’incarner. Cette opposition qui elle-même se cherche encore un leader dans les armoires du passif politique ivoirien, a explosé sous la cohue des stratégies d’Alassane Ouattara. Arrestation de membres influents de l’opposition, maintien de Gbagbo et Blé Goudé hors du pays.
Il réinvente la démocratie, ne t’inquiète pas!De son côté, pour se faire une santé politique et redevenir une option viable, Guillaume Soro a tenté la carte du réseau de la Fédération estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). D’abord, il a pris le soin de réunir les anciens au sein d’une organisation dirigée par l’un des mythiques premiers secrétaires généraux du syndicat, en la personne de Martial Ahipaud.
Cela n’est pas sorti d’un coup de chapeau mon cher ami. Guillaume n’est que génie en opportunisme. Alors qu’ils étaient en exil pour certains, et Guillaume Soro dans les bonnes grâces d’Alassane Ouattara, il leur fournissait des quantités de billets de banque tous les mois, au nom de la solidarité d’armes. L’argent et le téléphone laissent des traces cependant!
Alors rencontrer Blé Goudé était la boucle du rapprochement d’une génération qui projetait de s’émanciper de la vieille classe politique incarnée par Gbagbo, Bédié et Alassane Ouattara. Le retour de Guillaume Soro au pays, aurait marqué le début du processus.
Vu la puissance du réseau du syndicat d’étudiants ivoiriens, l’opposition qui est obnubilée pas le « dégagisme » d’Alassane Ouattara n’aurait eu d’autre choix que d’accompagner Guillaume Soro et la Fesci dans sa quête du pouvoir, et Blé Goudé serait passé chantre de la réconciliation.En théorie bien entendu. Mais votre chef a explosé le projet en vol pour sécuriser la montée de son poulain au palais de l’éléphant. Un heureux élu, avec la bénédiction du saint Paris!
Alassane Ouattara aurait-il fait le ménage pour Marcel AMON-TANOH?
Quand tu liras mes lignes, tu te diras certainement que je me suis rallié. Mais, franchement, comment ne pas avoir envie de le faire face à tant de dextérité et d’habileté politique de votre président? Même le Prince de Machiavel serait tombé en admiration pour Alassane Ouattara. Je n’exagère rien. Rassure toi cependant, je ne suis pas de chez vous.
Alors je te donne un point de vue parmi tant d’autres. Comme tu pourrais, toi, aisément parler de l’indolence politique de l’opposition ivoirienne. Des bras cassés, c’est certain!Selon des indiscrétions comme je te le disais, l’actuel ministre des Affaires étrangères est celui que le chef a choisi. Son entrée dans le baquet des poulains a été approuvée par Emmanuel Macron lors de sa dernière visite à Abidjan en décembre 2019.
Tu te poses certainement la question de savoir pourquoi Gon Coulibaly avait été mis en avant? Il était en effet « le projet » de départ et avait reçu la charge spéciale de « sécuriser » la Commission électorale indépendante (CEI). L’homme a fait le sale boulot et a réussi l’exploit de garantir plus de 529 postes au parti au pouvoir au sein des CEI locales.
Selon le média « Journal du Sénégal », « Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, a obtenu 529 postes de présidents des commissions électorales locales (CEL) à l’issue des élections qui ont permis d’installer les bureaux de ces entités locales de l’organe électoral ivoirien, contre 20 postes pour l’opposition ».
Après ce travail que tu trouves « exceptionnel » et une communication aux allures de bilan de gouvernance sur son compte Twitter, le Premier ministre ivoirien Amadou Gon Coulibaly ne convainc pas. Une santé fragile, ce qui lui a valu de la part des Ivoiriens le sobriquet de « pousser-démarrer », une personnalité qui laisse à désirer et un leadership très tribaliste ne rassurent pas.
Avec lui comme candidat, le RHDP serait en difficulté, même avec un appareil politique et une opposition divisée. Il ne faut pas prendre de risque et Alassane Ouattara anticipe. Même l’implication personnelle de Gon Coulibaly dans les élections municipales du Plateau n’a pas empêché la victoire du PDCI-RDA le 13 octobre 2018.Une autre chose que tu devrais savoir est qu’Alassane Ouattara veut se donner une chance en proposant un homme nouveau de l’appareil.
Un homme qui ne soit pas du nord avec un profil de leader affirmé qui pourrait faire légitimer le choix du RHDP pour un troisième mandat. Et Marcel AMON-TANOH avait été invité « à clarifier ses ambitions » tel que rapporté par le confrère Jeune Afrique dans sa publication du 2 Janvier 2020. Il tient son poulain qui est resté tout de même un homme pausé et moins belliqueux depuis sa cohabitation dans le gouvernement de Laurent Gbagbo.
En tout cas jusqu’ici, à Abidjan, c’est Alassane Ouattara, le chef, et l’opposition l’a bien senti. Tu sais, Georges Clemenceau disait: « Une dictature est un pays dans lequel on n’a pas besoin de passer toute une nuit devant son poste pour apprendre le résultat des élections ». Bref, on s’appelle! A Bientôt!
Nelson Zimin