Le vendredi 27 Septembre 2019, le nouveau président de la commission électorale indépendante (CEI) et les 14 commissaires centraux prêtaient serment. Au siège du conseil constitutionnel, Mamadou Koné, président de l’institution, a rappelé des symboles forts des principes démocratiques: impartialité, référence à la constitution. Mais au-delà de la forme protocolaire de renouvellement des équipes, la crise de confiance demeure. Le nouveau Président de la CEI, le magistrat Coulibaly Kuibert Ibrahime, débute son mandat avec une saisine par les partis d’opposition de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples. Les mêmes motifs qui avaient contraint le diplomate Youssouf Bakayoko, président sortant, à la porte, reviennent: la majorité des commissaires centraux sont proches du parti au pouvoir. Y’a-t-il de la part du gouvernement une volonté de surfer sur des crises en rapport avec les élections pour garder le pouvoir?
Nouvelle CEI: Un passif complexe et des élections à organiser sur fond de crise de confiance
« Nous avons saisi la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples pour dénoncer cette CEI et nous attendons la décision », avait déclaré la députée Yasmina Ouégnin sur la chaîne publique française TV5. Il apparait clairement que la classe politique reste profondément divisée sur cette question. Mais le plus inquiétant est que le pouvoir semble souscrire à une logique de passage en force. Alors que hier le président Ouattara, dans l’opposition face au président Laurent Gbagbo, avait obtenu une reforme de la commission électorale indépendante. Même mieux, toutes les commissions locales étaient à 80% composées des membres de l’opposition.
Il est pourtant logique que si la paix est une préoccupation pour le pouvoir d’Abidjan, des actes forts seraient mieux que des discours policés. En réalité, la question de la réforme de la Commission électorale remonte à 2016 avec l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme. Le gouvernement avait ignoré l’arrêt et les délais imposés par la justice. Et donné comme réponse, l’organisation d’un référendum portant modification de la constitution, couplée avec l’élection des députés. Finalement, la résolution de cette crise n’a pas été effective au moment où une nouvelle équipe s’installe, héritant d’un passif complexe et des élections à organiser dans un environnement où la justice devient de plus en plus un outil politique. Y’aura-t-il impartialité?
Le droit au service du politique, une recette pour le pouvoir d’Abidjan
Les violences qui ont succédé aux résultats des élections municipales d’octobre 2018 montrent bien que le problème est plus grave. Les enjeux qui sous-tendent l’engagement des organisations politiques ivoiriennes, pourraient nous éclairer. L’exemple du divorce du PDCI-RDA d’avec le pouvoir en place après 8 années de cogestion est le plus palpable. Violer un accord dont les clauses sont notoirement connues, sans prendre garde aux conséquences, est la preuve que la question de la morale en politique ivoirienne; les intérêts de groupes privés, restent la priorité. Sinon qu’est-ce qu’Alassane Ouattara a-t-il fait à Soro pour que ce dernier se braque contre lui? Si Ouattara avait accepté le principe de l’alternance au profit du PDCI-RDA, Laurent Gbagbo serait encore resté infréquentable et toute alliance avec lui dans l’opposition aurait été mal vue.
C’est bien là le problème des élections ivoiriennes. Un système s’est construit au détriment de la loi fondamentale et du droit. La quasi totalité des acteurs y trempent au point que le droit est dit variablement selon le camp et les intérêts en présence. Il est parfois difficile même de défendre ceux qui subissent la pression du système judiciaire sur mesure dans le pays. L’importance des intérêts des uns et des autres semble donner au droit, le ton de son application.
Les évènements de la mairie du Plateau ont trouvé solution dans un compromis politique et en ignorance totale des résultats des urnes. L’on n’a pas manqué de recourir au droit pour ramollir les positions les plus rigides. Port-Bouët et Grand-Bassam ont également été des zones chaudes. Et le résultat a été presque pareil: « Si vous avez Port-Bouët, nous on garde Grand-Bassam ».
La démocratie devrait s’exprimer en 2020, c’est le souhait des Ivoiriens qui commencent à se déconnecter de l’affectif politique pour regarder au rationnel de gouvernance. La question de la CEI passionne de moins en moins l’opinion nationale. Toutefois, la seule crainte semble l’issue des échéances électorales. Le bilan de Ouattara qui de loin insatisfait les Ivoiriens, s’équilibre avec les actions sans impact d’une opposition qui subit la rigueur de la loi.