Lors du bureau politique du PDCI RDA le19 décembre 2019, l’honorable KOUASSI Kouamé Patrice, député de Yamoussoukro, a prononcé un discours qui colle à l’actualité de ce moment. Le parlementaire de 57 ans abordait différents sujets ; entre autres le refus des plus âgés du PDCI RDA de céder la place aux jeunes, le problème de la CEI et le risque d’un conflit interethnique qu’il voyait planer sur les élections à venir. Depuis l’annonce d’Alassane Ouattara de sa volonté de briguer un 3e mandat, plusieurs ethnies s’opposent dans plusieurs villes de Côte d’Ivoire. Les cas de Bonoua, Daoukro et Divo sont les plus graves.
Discours de l’honorable KOUASSI Kouamé Patrice au Bureau Politique du PDCI-RDA
BUREAU POLITIQUE DU PDCI RDA DU 19 DECEMBRE 2019
Excellence Monsieur Henri Konan Bédié, Président du PDCI-RDA, Honorables membres du Comité des Sages, Honorables membres du Bureau Politique de notre prestigieux parti, le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire,
Il me plait de prendre la parole pour m’adresser à vous afin de partager mes préoccupations concernant l’objet du Bureau Politique de ce jour qui est de fixer la date et définir les modalités de notre convention devant élire notre candidat pour la reconquête effective du pouvoir d’État au soir d’octobre 2020. À 57 ans révolus, je ne suis plus vraiment un jeune, ni un vieux non plus. Cependant, notre génération est la mieux formée et la plus outillée pour répondre aux enjeux actuels et futurs dans tous les domaines sans exclusive et sans complexe. Dans dix ou quinze ans, notre génération aura atteint les régions de l’âge où l’énergie décline et où l’action épouse le rythme biologique qui contraint l’Homme à la parcimonie dans l’effort et à de longues réflexions, avant d’agir.
[Le plaidoyer de KOUASSI Kouamé Patrice pour un renouvellement générationnel de la classe politique en Côte d’Ivoire.]
Plus nombreux sont nos jeunes frères, les trentenaires et les quadragénaires qui sont sans complexe devant l’autre et sont capables de nombreux exploits. Tous ces jeunes ont besoin d’un signal fort pour se sentir concernés et pour s’impliquer dans la gestion de la chose publique. Tous ces jeunes ont besoin de se projeter dans de nouveaux modèles, d’avoir un nouvel idéal pour se mettre au service de la Côte d’Ivoire à travers le leadership de nouveaux champions porteurs d’une nouvelle espérance.
Excellence, Monsieur le Président, ne courons pas le risque de brûler cette génération qui ne demande qu’à servir en donnant le meilleur du meilleur qu’elle a reçu de vous nos pères. Faisons confiance à la jeunesse, parions sur les jeunes, car les jeunes sont l’avenir de la Nation. Pour nous, l’avenir c’est maintenant et c’est fort de cela que j’étais persuadé il y a peu que cet engagement devait se traduire par ma candidature à la candidature lors de notre prochaine convention, convaincu qu’elle serait assurément bien accueillie puisque nous sommes un parti démocratique pour ne pas dire le parti démocratique de Côte d’Ivoire et que dans cet esprit, la convention du PDCI RDA ne pouvait pas être bouclée et gérée d’avance comme au RHDP pour l’élection présidentielle.
[L’honorable KOUASSI Kouamé Patrice évoquant les risques de conflits autour de l’élection en Côte d’Ivoire.]
Cependant, en l’état, je ne suis plus convaincu que cette candidature soit judicieuse quand je me remémore le souvenir douloureux des élections locales dernières notamment, le Plateau, Port-Bouët et Bassam. Ce souvenir me permet de penser sans grand risque de me tromper, que l’élection présidentielle d’octobre 2020 sera tout sauf démocratique et qu’elle conduira inexorablement à une autre crise postélectorale.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si nous devons cautionner cette élection voire la légitimer par notre participation ? Devrions-nous participer à cette élection dans ces conditions ? C’est à dire avec une CEI non-consensuelle, une liste électorale qui sera révisée à la va-vite, un découpage partisan des circonscriptions électorales et des organes chargés du contentieux électoral peu crédibles etc… toutes choses qui contribueront inéluctablement à la proclamation des résultats en faveur du RHDP, en dépit des résultats réels du scrutin.
Pire, avec l’annonce de la modification de la constitution par le régime RHDP, les règles du jeu démocratique ne sont à ce jour pas figées comme elles devraient l’être à dix (10) mois de l’élection présidentielle. Or, une étincelle de plus en octobre 2020 embrasera le pays tout entier. Ce ne sera certes pas une guerre armée contre armée, mais plutôt une guerre ethnie contre ethnie, clan contre clan, faction contre faction, ce sera une guerre civile. Les cas des pays voisins sont là pour nous édifier et nous rappeler que nous sommes comme eux, de simples êtres humains, capables comme eux, du meilleur comme du pire.
[KOUASSI Kouamé Patrice demandant le report de l’élection d’octobre 2020 en Côte d’Ivoire]
À partir de ce moment, la question est de savoir si le fait de participer à une telle élection est judicieux, le boycott de ladite élection n’étant pas non plus à envisager ? Quelles alternatives avons-nous ? J’entends parler de transition, de passerelle démocratique, d’assises politiques pour décrire une seule et même réalité, c’est que l’élection présidentielle de 2020 ne peut pas se tenir et ne doit pas se tenir dans ces conditions non-démocratiques actuelles. Je reste persuadé que même si la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples nous était favorable, elle ne sera pas exécutée par le gouvernement et nous n’avons pas non plus les moyens de l’obliger à l’exécuter.
En outre, la plateforme non idéologique dans laquelle se trouve le PDCI RDA ne conduira jamais les autres partis politiques à nous accompagner pour nous servir sur un plateau la victoire en octobre 2020. Il est donc urgent que le PDCI RDA prenne le leadership au-delà des partis politiques en associant largement la société civile, les groupes de réflexions, les chefs traditionnels et religieux pour susciter un idéal commun, celui d’organiser un front politique et social afin de parvenir à une réforme intégrale du système électoral pour garantir une paix durable et une stabilité politique pour l’avenir de notre nation.
Le message de KOUASSI Kouamé Patrice aux « Vieux » du PDCI RDA
Pour conclure mon intervention, concernant notre convention, si elle devait se tenir, je reprendrais à mon compte ce proverbe Yoruba qui dit que « Le vieillard qui veut manger les beaux et succulents fruits du manguier doit laisser ses enfants grimper à l’arbre pour les lui envoyer au risque de faire une chute et de se voir moquer ».
S’agissant de la démocratie dans notre pays, je paraphraserais le Président Thomas Jefferson qui disait et je cite : « Quand l’injustice devient loi, la contestation dans le respect de la Loi devient un devoir ».
Excellence, Monsieur le Président du PDCI-RDA, Honorables membres du Comité des Sages, Honorables membres du Bureau Politique, Je vous remercie pour votre bienveillante attention.
Abidjan, le 19 décembre 2019,
Honorable KOUASSI Kouamé Patrice.