Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara se sont rencontrés, mercredi, pour un échange qui a permis de ramener l’accalmie en Côte d’Ivoire. Depuis le mois d’août, le pays est en proie à des troubles nés du refus par l’opposition, d’accepter la candidature du président Ouattara à l’élection présidentielle du 31 octobre dernier. Candidature jugée illégale au regard de la Constitution ivoirienne qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Dans la contribution ci-dessous, Arsène Touho, un observateur politique ivoirien, tente de tirer les leçons de la dernière rencontre Bédié-Ouattara à l’hôtel du Golf.
« M. Alassane Ouattara n’a pas encore obtenu la légitimité qui lui permet de demander crédit partout dans le monde » (Arsène Touho)
Leçons d’une rencontre politique !!!
Après la recontre d’hier, qui a perdu ? Qui a gagné ? Ce qui va suivre va vous montrer qu’en politique le score du jeu ne se calcule pas de façon mathématiques comme au sport. D’abord le contexte (les faits, la problématique et l’enjeu).
Les faits :
à la volonté de M. Alassane Ouattara de se donner un 3e mandat inconstitutionnel, l’opposition a répondu par un appel à la désobéissance civile, puis par la création du CNT en tant qu’organe dirigeant de la coalition.
Des affrontements et des émeutes éclatent dans plusieurs localités du pays entre partisans de l’opposition et partisans du pouvoir d’une part, et entre partisans de l’opposition et forces de l’ordre d’autre part.
L’armée tente de neutraliser l’action du CNT à travers des arrestations dont celui de son porte parole et un blocus devant les domiciles privées de son président et de plusieurs autres cadres.
Les diplomates intervenant pour obtenir un dialogue se heurtent à deux principaux préalables : la dissolution du CNT exigée par le pouvoir et l’annulation des élections exigée par le CNT. Et intervient le discours de M. Ouattara invitant « le président HKB à une discussion ».
Problèmatique :
que propose chaque camp (en terme de solutions et d’attitudes) à l’urgence de cessation des violences meurtrières dans le pays ?
L’enjeu :
La rencontre d’hier est la réponse donnée par chaque camp qu’il est préoccupé par l’urgence de cessation des violences. Elle a donc servi à répondre à la problématique posée par l’actualité et non à résoudre le problème actuel de la Côte d’Ivoire.
Conclusion:
M. Alassane Ouattara et le président HKB se sont rencontrés sans qu’aucun de leur préalable respectif ne soit satisfait. Toutefois, on peut noter deux ouvertures de part et d’autre :
1. M. Ouattara qui ne voyait pas l’intérêt de discuter avec des « peureux » accepte subitement de discuter, mais avec son « aîné et président du PDCI-RDA (sauf que « mon aîné », « le président du PDCI RDA » et « le président du CNT » sont 3 appellations de la même personne HKB /
2. Le président HKB accepte le principe de la rencontre et ne mentionne nulle part le CNT. Mais juste après la rencontre, il convie les leaders de l’opposition à une rencontre de concertation le vendredi 13 novembre pour envisager ensemble l’avenir.
Leçons
1. En politique, la finalité de la rue ce n’est pas de régler les problème dans la rue mais d’imposer la table de négociation par la rue ;
2. En politique, un prealable ne sert pas à bloquer la négociation mais à la baliser ; c’est juste un moyen pour chaque partie d’informer l’autre sur ce qui lui tient à cœur.
3. En politique, un leader ne fait pas ce qui est bon pour lui ; il s’arrange pour que ce qui est bon pour lui passe par ce qui est bon pour le groupe ;
4. En politique, les objectifs réels du leader peuvent s’évaluer à la lumière de ce qu’il a obtenu dans la négociation.
5. Un homme politique qui refuse la table de négociation est un danger public parce que la table de négociation offre à chaque partie une opportunité d’obtenir ce que la rue ne lui a pas encore donné. En CI, la rue n’a pas encore donné à l’opposition les leviers du pouvoir, tout comme à cause de la rue M. Alassane Ouattara n’a pas encore obtenu la légitimité qui lui permet de demander crédit partout dans le monde. Qui a gagné ? Qui a perdu ? A vous l’antenne !!!
Arsène Touho
Diplômé Niveau III des Sciences Politiques
Diplomé Niveau III et MAJOR 2010 du programme annuel de formation des jeunes leaders organisée par la Fondation Friedrich Ébert et l’Union Européenne