Téné Birahima Ouattara, frère cadet du président de la République, Alassane Ouattara, nommé récemment ministre de la Défense par intérim, peut-il réellement assurer la sécurité des Ivoiriens?
Attaques jihadistes à Kafolo et Tehini: Birahima Ouattara au pied du mur
Lorsque le chef de l’Etat le nommait intérimaire du défunt ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, le 08 mars 2021, Téné Birahima Ouattara; plus connu sous le nom de ‘’Photocopie’’ du fait de sa forte ressemblance avec le président Alassane Ouattara, son frère aîné; savait très bien les enjeux sécuritaires qui l’attendaient.
Et pourtant, 20 jours seulement ont suffi, après sa nomination, pour le mettre au pied du mur. En effet, dans la nuit du 28 au 29 mars 2021, deux positions des Forces armées de Côte d’Ivoire ont subi des attaques armées dans le nord du pays. Selon l’Etat-Major Général des Armées, la première attaque survenue à Kafolo, est le fait d’une soixantaine de terroristes lourdement armés venant du Burkina-Faso.
Si les Forces Armées de Côte d’Ivoire ont réussi à repousser les assaillants au terme d’une heure de combat intense et mis en œuvre une opération de ratissage, le bilan provisoire, lui, fait état de deux soldats tués et quatre blessés côté ami; – Côté ennemi, 03 terroristes tués, quatre interpellés et du matériel logistique saisi (armement, radio, munitions et motos).
« Les opérations militaires de ratissage se poursuivent sur le terrain. La deuxième attaque est survenue à Kolobougou (60 km au nord-ouest du département de Tehini faisant frontière avec le Burkina-Faso) où un poste de gendarmerie a été la cible d’individus non identifiés. Un gendarme ivoirien a été tué et un autre est blessé. Aucune victime découverte côté ennemi pour l’heure », a informé un communiqué du Général de Corps d’Armée Lassina Doumbia, Chef d’Etat-Major Général des Armées.
Les attaques de Kafolo et Tehini sont les deuxièmes du genre après une première attaque djihadiste contre un poste de l’armée, dans la nuit du 10 au 11 juin 2020, toujours à Kafolo, faisant 14 morts. Ces attaques interviennent moins de 5 années après l’attentat de Grand-Bassam (sud de la Côte d’Ivoire) qui avait fait 19 morts.
Considérée comme une action de représailles à une opération conjointe des armées ivoiriennes et burkinabé qui avaient détruit en mai 2020, des bases dormantes installées dans le nord de la Côte d’Ivoire, la première attaque de Kafolo avait été attribuée à des combattants du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), principale alliance du Sahel affiliée à Al-Qaïda, mais n’avait pas été revendiquée.
L’équation Hamed Bakayoko, en attendant celle de Birahima Ouattara
Le 22 juin 2020, soit une dizaine de jours seulement après l’attaque de Kafolo, Hamed Bakayoko, alors ministre d’Etat, ministre de la défense, a annoncé, au nouveau camp d’Akouédo (Abidjan) lors d’une cérémonie d’hommage aux soldats ivoiriens tombés à Kafolo, l’arrestation du chef du commando à l’origine de l’attaque, et de plusieurs personnes directement impliquées.
« Quand quelqu’un touche à la Côte d’Ivoire, quand quelqu’un tue un Ivoirien, on réagit. Tous ceux qui ont fait cela sont en voie d’arrestation. l’État mettra tout en oeuvre pour que tous ceux qui ont commis cet acte ignoble et tous leurs complices tapis dans l’ombre soient arrêtés (…) Il y a des gens qui se sont permis et qui se permettent de donner des informations à des terroristes sur les positions et les mouvements de nos forces. Il faut que toutes les complicités nationales comme internationales soient établies», avait déclaré l’ancien Premier ministre ivoirien décédé le 10 mars 2021 des suites d’un cancer du foie.
Dans la foulée, le gouvernement avait annoncé la création d’une «zone opérationnelle» dans le nord de la Côte d’Ivoire pour «empêcher toute infiltration de groupe armé» et lutter contre «l’insécurité persistante aux frontières entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso du fait de la présence de groupes armés terroristes dans ces pays voisins et suite à l’attaque » de Kafolo.
Entre autres objectifs de la Zone opérationnelle Nord: « passer de la phase de surveillance des frontières à une posture défensive (…) en vue d’empêcher toute infiltration de ces groupes armés sur le territoire national»; disposer d’un commandement unique pour les opérations militaires et pour toutes les activités relevant de la défense opérationnelle du territoire en vue d’une meilleure coordination entre l’ensemble des Forces de Défense et de Sécurité en service dans la zone concernée ; organiser la défense civile en matière de lutte contre le terrorisme, et d’en assurer la coordination avec les opérations militaires…
« Nous devons continuer le travail pour que toutes les complicités nationales et internationales soient établies. Je peux vous dire que le chef du commando qui a mené l’action a été pris (…) et avec les investigations, nous saurons avec qui, ils étaient en contact et qui est derrière (…) Beaucoup de ces personnes qui ont commis cet acte criminel sont sous les verrous (…) On a retrouvé des photos dans leurs portables qui montrent ce qu’ils ont filmé (…) Ça ne va pas rester comme ça », avait prévenu le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko.
L’attaque de Kafolo et Téhini, un test pour Téné Birahima Ouattara?
Après le décès du sécurocrate ivoirien Hamed Bakayoko, et la nomination à titre intérimaire de Téné Birahima Ouattara au poste de ministre de la Défense, beaucoup d’Ivoiriens se montrent plus ou moins sceptiques quant aux capacités du frère cadet du chef de l’Etat, à garantir la sécurité nationale. L’attaque de Kafolo et Téhini qui intervient seulement trois semaines après sa nomination, vient apporter de l’eau au moulin de ces derniers.
Avec le nouveau gouvernement ivoirien annoncé d’ici le 03 avril 2021, la gestion de cette énième attaque terroriste, constitue une épreuve qui pourrait peser dans la confirmation ou non de Photocopie à ce ministère clé d’Etat. Ministre des Affaires présidentielles depuis l’accession au pouvoir du président Alassane Ouattara en 2011, Téné Birahima Ouattara n’est pas un novice à la chose sécuritaire.
Dans l’ombre du pouvoir, il a longtemps géré plusieurs questions sensibles relatives à la sécurité d’Etat. En 2019, Téné Birahima Ouattara avait été annoncé à la tête de l’Unité de lutte contre le grand banditisme (ULGB), une unité spéciale de l’armée ivoirienne logée à l’Hôtel Sébroko, l’ancienne base de l’ONUCI.
A 65 ans, Birahima Ouattara s’est toujours mis loin des cameras et autres projecteurs. Peut-être pour ne pas faire ombrage à son frère aîné et susciter par la même occasion, les plus folles rumeurs sur une supposée volonté de succession dynastique.
En attendant sa confirmation ou non au Ministère de la Défense, Financial Afrik considère sa nomination, fut-elle intérimaire, comme le choix de la continuité et de la stabilité. « En le nommant ministre de la Défense par intérim, le chef de l’Etat a fait le choix de la continuité et de la stabilité. De fait, Téné Birahima Ouattara connaît les rouages du gouvernement, puisqu’il y occupe déjà le poste de ministre des Affaires présidentielles depuis mars 2012 », le décrit le confrère.
Puis le média d’ajouter: « Il cumulera donc ces deux fonctions clés, le temps de procéder au remaniement gouvernemental consécutif à la disparition d’Hamed Bakayoko. Pour remplacer ce dernier, le Président Ouattara a dû choisir parmi la liste très restreinte de personnalités composant sa garde rapprochée. Téné Birahima Ouattara était de ceux-là, tout comme Patrick Achi, le Secrétaire général de la Présidence, qui occupera pour sa part le poste de Premier ministre par intérim. Outre la confiance absolue du Président dont bénéficient les deux hommes, ils partagent des similarités professionnelles. Travailleurs de l’ombre, élus de terrain, fins connaisseurs du secteur privé… Téné Birahima Ouattara et Patrick Achi devraient constituer un tandem efficace pour assister le Président ivoirien ».