Le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé suscite d’ores et déjà des passions. Les autorités ivoiriennes et les partisans de l’ancien président ivoirien peinent à accorder leurs violons sur la date de ce retour au bercail et le format d’accueil. Comment la Côte d’Ivoire prépare-t-elle cet évènement ? Voici bien une épineuse interrogation à laquelle Afrique-sur-7 tentera de trouver une réponse adéquate en se fondant sur les tractations qui ont cours autour de ce dossier.
Au coeur de la fièvre montante autour du retour de Gbagbo en Côte d’Ivoire
Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont impatients de revenir baigner dans le liquide amniotique de la mère patrie après environ une décennie d’exil et d’intrigues judiciaires. Alassane Ouattara a d’ailleurs annoncé, à la suite de l’acquittement définitif de l’ancien président ivoirien et de l’ex-chef de la galaxie patriotique par la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, crimes commis lors de la crise postélectorale, que ses deux compatriotes sont « libres de rentrer au pays quand ils le souhaitent ». Cependant, entre les déclarations d’intentions et la réalité du terrain, il y a bien un fossé que pouvoir et proches de l’ancien chef d’État peinent à s’accorder pour franchir.
En effet, Dr Assoa Adou, Secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), tendance pro-Gbagbo, a annoncé, le 31 mai dernier, que l’opposant historique à Félix Houphouët Boigny sera de retour le 17 juin prochain. À cet effet, ses partisans s’activent pour un accueil triomphal et chaleureux de leur leader qui a passé plus d’une décennie dans le pénitencier de Scheveningen, à La Haye. Des affiches publicitaires ont pour ce faire été placardées sur des panneaux à Abidjan, capitale économique ivoirienne, et dans des villes de l’intérieur.
Cependant, le retour de Gbagbo à la date et selon le format indiqué par ses proches est loin de trouver l’assentiment du gouvernement ivoirien. Coulibaly Amadou, porte-parole du gouvernement Ouattara déclare que les autorités étatiques n’ont pas été saisies avant la fixation de cette date. « La date du 17 juin n’est pas consensuelle », précise Coulibaly Am’s, avant d’ajouter que « des annonces restent des annonces ». Et ce, tant que le gouvernement de Côte d’Ivoire n’a pas donné son quitus. Aussi, le gouvernement et le Comité d’accueil tiennent une rencontre ce jeudi pour trouver un motus vivendi sur ce retour annoncé du Woody de Mama.
Des affiches publicitaires de Gbagbo déchirées, pouvoir et Comité d’accueil en concertation
Mais en attendant que les choses se précisent, la fièvre monte de plus en plus sur les rives de la lagune Ébrié et dans de nombreuses villes de l’intérieur du pays. Les collaborateurs de Gbagbo Laurent sont d’ailleurs sur le terrain pour sonner la mobilisation des Ivoiriens afin de réserver un accueil des plus populaire et en liesse à l’ex-président de la République, ancien locataire de la présidence ivoirienne. Le Conseil supérieur de la publicité (CSP) a toutefois fait déchirer les affiches de Gbagbo, tirant motif de ce qu’il « serait interdit d’utiliser l’image d’une personnalité politique sur des affiches publicitaires ». « Le Président Gbagbo appelle les Ivoiriens à l’apaisement, et leur demande d’aller au-delà d’un simple problème d’affichages », peut-on lire dans un communiqué émanant de Me Habiba Touré, avocate de l’ancien président ivoirien.
À propos du format de l’accueil, l’honorable Adama Bictogo, vice-président de l’Assemblée nationale et Directeur exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le ministre Kobénan Kouassi Adjoumani, porte-parole du parti au pouvoir, ainsi que plusieurs autres proches du pouvoir d’Abidjan appellent à un accueil en catimini, pour éviter tout trouble à l’ordre public. Quant à Kouadio Konan Bertin dit KKB, ministre de la Réconciliation nationale, étant libéré, il revient à Gbagbo de fixer lui-même sa date de retour au bercail.
C’est dans cette atmosphère antinomique que Laurent Gbagbo « entend rentrer dans son pays le 17 juin 2021, dans la paix et la sérénité », suivant les termes du communiqué de son avocate personnelle. Comment la Côte d’Ivoire prépare-t-elle cet évènement ? Qu’adviendra-t-il de Laurent Gbagbo à sa descente d’avion sur la terre de ses ancêtres ? Comment se rendre en Côte d’Ivoire sans réveiller les démons du passé ?
Voici bien d’interrogations qui taraudent les esprits du peuple ivoirien à Abidjan, à Bouaké, à Grand-Bassam partout en Côte d’Ivoire, et même dans la diaspora ivoirienne. La Communauté internationale suit également de près la situation en Côte d’Ivoire. Toutefois, un sursaut national et une véritable envie d’aller à la réconciliation nationale habitent la classe politique ivoirienne et les acteurs de politique, ainsi que les citoyens ivoiriens pour que cette page noire, qui obstrue la vision d’un avenir meilleur pour les Ivoiriennes et Ivoiriens depuis plus de trois décennies, soit définitivement arrachée de l’histoire de ce riche pays de la sous-région ouest-africaine.