A la veille de la rencontre entre Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’Ivoire, et son successeur Alassane Ouattara, l’analyste politique Nazaire Kadia a tenu à dénoncer la posture politique du RHDP (parti au pouvoir), qui ne va pas, selon lui, dans le sens de la réconciliation nationale souhaitée dans le pays. Ci-dessous, son analyse.
Côte d’Ivoire – Politique: Le RHDP et sa sempiternelle posture de belligérance (Par Nazaire Kadia)
Après son retour en Côte d’Ivoire, le président Laurent Gbagbo a rendu une visite de courtoisie au président Henri Konan Bédié dans son fief de Daoukro. Cette visite, selon les personnes présentes, a connu un franc succès et marque la convergence de vue des deux hommes quant à l’avenir à imprimer à la Côte d’Ivoire. Le président Henri Konan Bédié préconise un dialogue national à l’effet de vider tous les abcès et permettre au pays de repartir sur de nouvelles bases, quand le président Laurent Gbagbo renchérit que tout cela doit se faire dans la vérité. Cette visite répond également au souci de M. Laurent Gbagbo de rendre la monnaie de sa pièce à M. Henri Konan Bédié qui a eu à effectuer un déplacement à Bruxelles à l’effet de le saluer.
La leçon tirée de la visite, est la consolidation du rapprochement des deux anciens présidents et partant, de leurs formations politiques respectives. Pour nombre de personnes, c’est le signe annonciateur d’une réconciliation souhaitée de tous les ivoiriens, pourvu que ces démarches soient élargies à tous les partis politiques. Si la visite du président Laurent Gbagbo a ravi plus d’un ivoirien, force est de reconnaître qu’il y a eu également des grincements de dents, de l’irritation et même des poussées d’urticaire. En effet, quelques temps après la fin de la visite, le directeur exécutif du RHDP, M. Adama Bictogo s’est fendu d’une déclaration au cours d’une conférence de presse, où il a rejeté du revers de la main l’idée d’un dialogue national.
Dans la foulée, il a affirmé que les institutions de la République fonctionnent bien et que le pays n’a pas besoin de réconciliation. Il tient en outre pour responsable, le président Laurent Gbagbo des 3000 morts de la crise post-électorale. Mais doit-on s’étonner de cette sortie du directeur exécutif du RHDP ? Assurément non. Le rapprochement des deux anciens présidents ne peut que donner du tournis à ceux qui, jusqu’à une date assez récente, faisaient des appels du pied au président Henri Konan Bédié et au PDCI-RDA. De son côté, le ministre Touré Mamadou a fait savoir que « le bâton sera repris si… » . Que fera-t-il avec ce bâton ? Dans une autre de ses envolées, le même ministre a affirmé que «… notre papa les a frappés étant opposant, il les a frappés étant au pouvoir… ».
« Le RHDP se doit de quitter sa posture de belligérance et s’inscrire résolument dans les débats et affrontements d’idées «
Le comportement et les déclarations des deux ténors du RHDP, rendent bien compte de l’esprit qui anime ce parti et ses militants. Ils sont dans une posture continue de belligérance et ne conçoivent le rapport avec les autres partis que dans un prisme d’affrontement. Non pas un affrontement d’idées, mais un affrontement physique où ils sont sûrs de sortir vainqueurs, convaincus qu’ils sont, d’être adossés aux forces républicaines à savoir, la police, la gendarmerie et l’armée mais aussi…les microbes. Le style, les mots et les allusions de M. Touré Mamadou, (bâton…frapper…), rendent bien compte du caractère belliqueux de son auteur et partant de la structure à laquelle il appartient.
Ainsi, les partisans de Laurent Gbagbo veulent-il accueillir leur président dans la ferveur ? Le directeur exécutif du RHDP menace d’organiser une contremarche des « victimes » de la crise postélectorale le même jour. Les jeunes du RHDP ne sont pas en reste et embouchent la même trompette de retrouver les partisans de Laurent Gbagbo dans la rue. C’est à croire que ce parti n’a de programme que celui de se mesurer physiquement à son opposition ! Que serait-il advenu si ces menaces avaient été mises à exécution le 17 juin dernier ? Mais bon c’est tout aussi vrai que ce jour-là, policiers et gendarmes ont joué les remplaçants…des militants du RHDP. C’est le lieu d’en appeler à un sens élevé des responsabilités et à une claire vision de tous, quant à la trajectoire qu’on voudrait voir prendre le pays. Ce pays est celui de tous les ivoiriens. Ceux qui en ont momentanément la gestion, n’en sont pas les propriétaires.
Demain, ils se retrouveront à la place de leurs opposants et ne seront plus forts comme ils le sont aujourd’hui. Il est également bon de signaler qu’il est illusoire de penser que l’absence de guerre équivaut à la paix. Et que pour cela, la réconciliation n’est pas nécessaire. Dans ce cas, il serait de bon aloi, d’expliquer aux ivoiriens pourquoi il a été créé un ministère de la Réconciliation, qui assurément a un coût pour le contribuable. Les ivoiriens aspirent à la paix et veulent pour ce faire aller à la réconciliation, il faut les y aider en sachant raison garder. Si la rencontre entre les présidents Ouattara et Gbagbo, n’accouche pas d’une souris, ça sera alors un grand pas de franchi. D’ici là, le RHDP se doit de quitter sa posture de belligérance et s’inscrire résolument dans les débats et affrontements d’idées et non ceux des muscles. Car s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
*NAZAIRE KADIA, Analyste politique*