Dans un communiqué, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Sansan Kambilé, invitait les greffiers réunis au sein de l’Union Nationale des Greffiers de Côte d’Ivoire (UNAG-CI), à la reprise du travail à compter de ce lundi 07 février 2022; faute de quoi, toute absence de ces agents de l’Etat sera considérée comme un abandon de poste et fera l’objet de procédure disciplinaire, conformément aux textes en vigueur. Président de l’Union Nationale des Greffiers de Côte d’Ivoire (UNAG-CI), Me Flan Gnranka Raymond a tenu à apporter la réplique au Ministre de la Justice, faisant injonction aux Greffiers de reprendre le service au motif que la grève enclenchée depuis le 27 janvier 2022 est illégale. Ci-dessous, l’intégralité de la déclaration de l’UNAG-CI.
Me Flan Gnranka Raymond (Président des Greffiers de Côte d’Ivoire) au Ministre Sansan Kambilé: « Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée en ce sens que le droit de grève est un droit fondamental »
1 – Sur le caractère légal de la grève
Contrairement à ce que le Ministre de la Justice avance dans son Communiqué fait le 04 Février 2022, la grève des Greffiers est bel et bien LÉGALE. En effet, le droit de grève est reconnu à tout fonctionnaire et agents de l’état selon les dispositions de l’article 17 de la Constitution Ivoirienne. Étant des Agents de l’Etat, les Greffiers de Côte d’Ivoire par le biais de l’Union Nationale des Greffiers de Côte d’Ivoire (UNAG-CI), ont déposé un préavis de grève et observé les délais requis bien avant d’enclencher ladite grève. Mieux, l’article 41 de la Loi portant Statut des Greffiers dispose que les Greffiers jouissent du droit de grève. Au regard donc de l’article 17de la Constitution Ivoirienne et de l’article 41 précité, la grève des Greffiers en plus d’être LÉGITIME, est LÉGALE. D’où la question de l’illégalité ne saurait prospérer. Qu’en est-il du service minimum?
2 – Sur la nature du service minimum:
Un service minimum doit être observé par les Greffiers en cas de grève si l’on se réfère à l’article 41 ci-dessus cité. Les modalités duquel service minimum doivent être précisées par Décret. Malheureusement, force est de constater que depuis 2015, le Ministre de la Justice n’a pas jugé nécessaire de faire prendre ledit Décret pour définir la nature du service minimum en sa qualité de Ministre de Tutelle puisqu’il est le premier garant des libertés individuelles. Du coup, les Greffiers de Côte d’Ivoire, étant des Agents de l’Etat doivent en principe tomber sous le coup du droit commun. En clair, pour observer un quelconque service minimum, les Greffiers doivent se référer au Décret n°95-690 du 1 septembre 1995 portant modalités particulières d’exécution du service minimum en cas de grève dans les services publics qui en son article premier ne cite en aucun cas expressément le service du Greffe comme étant astreint au service minimum. Conscient de cela, les Greffiers ont accepté que les Greffiers en Chef exercent ledit service minimum en leur qualité de Chefs de service. Cependant, contre toute attente ceux-ci se permettent de tenir les audiences alors même que tenir la plume à l’audience est le service ultime du Greffier. Qu’en est-il de la turpitude de l’Administration?
3 – De la turpitude de l’Administration:
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et cela est valable pour l’Administration, en l’occurrence pour le Ministre de la Justice qui n’a pas voulu faire prendre le Décret pour définir les modalités d’exécution du service minimum comme il a été dit tantôt.
4 – Sur la question de la sanction disciplinaire des Greffiers:
Selon les dispositions, de l’article 43 de la Loi portant Statut des Greffiers, aucune sanction ne peut être prononcée sans l’avis du Conseil de Discipline. Malheureusement, ce conseil de discipline dont l’avis est obligatoire, n’a pu être mis en place du fait de l’incongruité qui existe entre ledit conseil et la commission administrative paritaire quant aux membres qui les composent . En clair, l’article 70 du décret d’application de la Loi portant Statut des Greffiers dispose que les fonctions des membres du conseil de discipline sont incompatibles avec celle de membres de la commission administrative paritaire. Or, le Directeur des Services Judiciaires est membre des deux entités et occupe le poste de Secrétaire Général. Raison pour laquelle le conseil de discipline n’a pas pu être mis en place. L’une des raisons pour laquelle les Greffiers ont demandé et obtenu la réécriture de leurs textes qui comportent plusieurs incohérences. Du coup, les Greffiers se demandent comment le Ministre de la Justice mettre en place le Conseil de discipline sans avoir préalablement modifié lesdits articles? Va t-il encore violer les textes de loi en question ? Qu’en est-il de l’abandon de poste?
5 – Sur la question de l’abandon de poste
Il y a abandon de poste lorsqu’un agent public (fonctionnaire) ou un agent de l’Etat s’absente de manière injustifiée et prolongée. Après avoir enclenché et respecté une procédure, l’administration peut prononcer des sanctions à l’encontre dudit agent. Qu’en est-il des faits de l’espèce? Des faits, il ressort que le 20 janvier 2022, l’UNAGCI a déposé un préavis de grève, observé le délai de 06 jours et enclenché ladite grève le 27 janvier 2022. Cette grève dit-on est illégale alors que toutes les procédures de forme et de fond ont été respectées par le Syndicat. Bien entendu, la grève des Greffiers porte sur trois points essentiels :
1 – Le retard dans la prise des arrêtés d’avancement depuis 2017,
2 – La réécriture des textes comportant plusieurs incongruités entre autres l’impossibilité pour certains Greffiers de bénéficier des avancements, l’impossibilité de mettre en place le conseil de discipline,
3 – L’élargissement de l’assiette des émoluments
Peut-on réellement dire que les points de revendication ne sont pas légitimes et légaux? Répondons par l’affirmative, les points de revendication sont bel et bien légitimes et légaux d’autant plus que tout fonctionnaire à droit aux avancements durant toute sa carrière. Cependant, force est de constater que le Garde des Sceaux a pris un communiqué où il est dit que tout Greffier qui ne se présenterait pas à son poste le lundi 07 février 2022, sera considéré comme ayant abandonné son poste.
La question qui se pose est celle de savoir :
En quoi est-ce que l’absence des Greffiers au poste est injustifié d’autant plus que le droit de grève est reconnu aux syndicalistes et consacré par l’article 17 de la Constitution Ivoirienne ? Une autre question mérite d’être soulevée: Le Communiqué de Garde des Sceaux dans la nomenclature des normes juridiques est-il au dessus de la Constitution et de la Loi portant Statut des Greffiers qui prévoit également le droit de grève ? En substance, aucun Greffier n’a abandonné son poste, du coup, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée en ce sens que le droit de grève est un droit fondamental et le conseil de discipline dont l’avis est obligatoire, n’est pas encore mis en place.
Le Président de l’UNAGCI :
Me Flan Gnranka Raymond