Comme annoncé, Blé Goudé Charles a effectivement pris la parole à la barre de la CPI, ce lundi 13 décembre 2021, pour soutenir son action en indemnisation à cause des préjudices physiques et moraux qu’il dit avoir subis.
Blé Goudé Charles : « La reconnaissance morale va entrainer une reconnaissance financière »
Il lui avait été accordé seulement cinq (5) minutes à Blé Goudé Charles pour évoquer sa cause. « Il ne faut pas aller au-delà de 5 minutes s’il vous plaît », avait prévenu la juge béninoise Reine Alapini-Gansou, qui préside la chambre en charge de cette affaire. Prenant la parole, l’ancien leader des jeunes patriotes a entamé ses propos sur un ton quelque peu sarcastique. « En attendant qu’on m’envoie le pupitre pour qu’on puisse faire le décompte », a-t-il indiqué.
« Le droit est mon socle, et la loi, mon dossard. Moi, je ne connais pas les juges qui m’ont acquitté en première instance, tout comme je ne connais pas non plus ceux qui ont confirmé mon acquittement en appel. Seule la loi m’a sorti de prison », a clairement posé Charles Blé Goudé, avant d’indiquer qu’il voudrait donc avoir recours à cette loi pour demander réparation des préjudices qu’il a subis.
« Huit ans de ma vie m’ont été arrachés, m’ont été mangés… Huit années de privation, de traumatisme, de désocialisation. Huit ans que j’ai été présenté au monde comme un criminel ».
Expliquant les conditions de son arrestation au Ghana et sa détention en Côte d’Ivoire durant 14 mois au mépris de tous les droits de la défense. Et ce, en exécution du mandat d’arrêt de la CPI. Puis, détenu à la prison de Scheveningen pendant six ans, avant d’être acquitté et libéré grâce au travail de ses avocats.
« Pendant toutes ces années, vous pouvez imaginer, Madame la juge, que mes enfants ont dû fuir le regard de leurs camarades à l’école, parce qu’eux, étaient les enfants d’un criminel. Des enfants traumatisés qui ont grandi sans leur père que je suis, et qui ne savent dire que maman. Parce que papa n’était pas là, parce que papa n’a jamais été là, parce que papa ne pouvait pas être là », expliquant ainsi les souffrances des siens eu égard à son absence prolongée.
La joie de son acquittement a cependant été de courte durée, car Blé Goudé est encore bloqué à La Haye. Et pourtant la CPI pourrait faire jouer la clause de coopération qui la lie à la Côte d’Ivoire pour lui permettre d’obtenir son passeport, qu’il réclame depuis 11 mois.
« C’est pour tout cela, honorables juges, aujourd’hui, je me tiens devant vous, pas forcement pour réclamer de l’argent. Parce que le préjudice que j’ai subi représentera toujours bien plus que de l’argent. C’est ma dignité, mon image… qui ont été détruites… Je pense que vous avez le pouvoir, l’autorité de me ramener en Côte d’Ivoire, dans un lieu sécurisé comme cela a été indiqué par la Chambre d’appel pour que je puisse reconstruire ma vie, me reconstruire moi-même. Et reprendre mes activités, reprendre ma vie de famille normalement parce que j’ai été acquitté. Et le procès en Côte d’Ivoire contre moi n’a pas été un procès conduit en bonne et due forme », a-t-il plaidé.
La juge béninoise est revenue à la charge pour dire : « Nous prenons acte que votre question n’est pas surtout de l’argent, mais celui de la dignité. » « Tout à fait. Et la reconnaissance morale va entrainer une reconnaissance financière », a rétorqué Charles Blé Goudé.