Maintenant que les clameurs se sont tues sur le scandale « Dalhia Fleur », et que les velléités de construction d’un hôtel de 1000 chambres sur la réserve naturelle du même nom, semblent être renvoyées aux calendes grecques, le temps est venu de s’interroger sur le rapport qui est fait chez nous entre la poursuite effrénée du développement et la préservation de notre environnement à travers nos aires protégées, nos parcs, nos forêts classées, nos espaces verts, nos jardins publics, etc.
Côte d’Ivoire: Silence, on détruit les forêts
Il est loin le temps où Abidjan comptait de nombreux jardins publics, dans presque tous les quartiers, hauts lieux de détente, de méditation, de rendez-vous romantiques, etc. Tous ces espaces, au nom du développement ont disparu, pour faire place à des immeubles pour certains, et à des centres commerciaux pour d’autres. Tout est désormais dans le béton, les immeubles et le bitume…principaux indicateurs de développement chez nous. Ainsi dans de nombreux quartiers issus des opérations immobilières, des espaces verts ou des aires de jeux prévus dans les cahiers de charges, disparaissent au grand dam des habitants, vendus par des sociétés immobilières et d’où sortent des immeubles qui rompent l’harmonie du quartier. C’est à croire que le développement rime avec la multiplication des immeubles. C’est pourquoi, il faut saluer la vive réaction des ivoiriens qui permettra de sauver l’un des espaces naturels encore existants à Abidjan.
Si tant est que la construction de l’hôtel de 1000 places, est une nécessité absolue pour la survie du pays, au point de vouloir détruire un riche patrimoine naturel, des villes de l’intérieur sont prêtes à s’offrir en holocauste pour sauver la Côte d’Ivoire. Aboisso, Adiaké, Tiassalé, N’douci, Agboville et bien d’autres villes, peuvent offrir des espaces appropriés pour la construction de cet hôtel. Mais Dalhia Fleur, on n’y touche pas. Le problème de Dalhia Fleur est symptomatique de celui de toutes les aires protégées et surtout celui des forêts classées. En effet, soucieuse de pérenniser le patrimoine forestier, la Côte d’Ivoire a procédé au classement d’une partie de celui-ci. 212 forêts classées ont été répertoriées à travers le pays. L’objectif de ce classement est de sauvegarder ce qui reste de la forêt ivoirienne. De 15 millions d’hectares au début des indépendances, la forêt ivoirienne s’est rétrécie comme une peau de chagrin, sous l’effet conjugué de la culture itinérante sur brulis, et d’une exploitation à grande échelle des billes de bois.
Selon les estimations, la Côte d’Ivoire ne dispose plus que de 900 000 ha environ de forêt. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, les forêts classées, les parcs et les réserves naturelles constituées sont infiltrées en dépit de la présence des agents des eaux et forêts et de ceux de la Sodefor. On y trouve dans la plupart du temps, de grandes exploitations de cacao ou d’hévéa, des villages avec des écoles où sont affectés des enseignants par l’Etat. Ce sont aussi des zones qu’affectionnent les orpailleurs clandestins.
« Certains de ces indélicats, si tôt sortis du Mont Péko, seraient allés investir la forêt classée de Yapo-Abbé, sise à cheval entre les départements d’Agboville et d’Adzopé »
Comment cela peut être possible alors que ces aires sont censées être protégées ? Des textes réglementaires existent et font interdiction aux populations riveraines d’y faire des activités économiques ou même d’y couper du bois de chauffe. Où sont les agents chargés de la surveillance et de la protection de ces forêts ? Pourquoi l’Etat peut-il accepter la création d’écoles et y affecter des enseignants dans des zones en principe interdites d’accès ?
On ne peut pas vouloir protéger une forêt, et laisser se développer des villages avec des écoles. C’est à y perdre son latin ! L’exemple qui vient à l’esprit, est celui de la forêt du Mont Péko. Cette forêt classée est aujourd’hui en lambeaux. Malgré les interdictions, le sieur Amadé Ourémi, ex-supplétif des Frci, et les siens, s’en sont impunément emparé, y ont créé des centaines d’hectares de cacao, au vu et au su de tous. Ils y régnaient en maîtres absolus, armés jusqu’aux dents. Il y a quelques temps, l’Etat a entrepris de faire sortir ces indélicats de la forêt, après l’arrestation d’Amadé Ourémi. A-t-il réussi à le faire ? Que sont devenues les plantations de cacao ? Ont-elles été détruites pour laisser se reconstituer la forêt ? Nul ne saurait le dire. Toujours est-il que certains de ces indélicats, si tôt sortis du Mont Péko, seraient allés investir la forêt classée de Yapo-Abbé, sise à cheval entre les départements d’Agboville et d’Adzopé.
Saisi par les chefs des villages riverains de cette forêt, le président du Conseil Régional de l’Agnéby-Tiassa d’alors, M. Mbolo Martin, a fait du déguerpissement de ces indélicats, son cheval de bataille. Cela a provoqué l’ire de certains barons locaux du régime, qui lui prédirent son éviction à la tête du conseil régional quels que soient les résultats des urnes des régionales de 2018. Et cela advint… Ce fait montre suffisamment que l’invasion et l’infiltration des forêts classées, bénéficient de puissants appuis et expliquerait la passivité dont font preuve ceux qui sont chargés de leur surveillance et de leur protection. Et c’est là tout le drame dans notre pays ! Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.