Supprimée du programme scolaire sous Kandia Camara, la dictée reprend tous ses droits au cycle primaire et au premier cycle du secondaire à la faveur de la rentrée 2021-2022. Ainsi en a décidé Mariatou Koné, la nouvelle ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation. Une décision saluée par la plupart des parents d’élèves et spécialistes du secteur éducation, parmi lesquels Théodore KOSSONOU, Professeur agrégé de linguistique, qui nous explique, dans le texte ci-dessous, les bienfaits de la dictée dans les écoles et collèges. Lisons.
Retour de la dictée dans les écoles et collèges: De la noblesse de l’orthographe française (Par Théodore KOSSONOU)
La linguistique de la grammaire traditionnelle et normative enseigne de la langue française que son orthographe respecte un certain nombre de règles, de normes morphologiques, phonologiques et morpho-syntaxiques. En effet, les mots ne sont pas écrits n’importe comment. Il faut avancer que l’orthographe française a une histoire et fait partie du patrimoine de la France. Ainsi, selon Catach Nina (1991), les lettres patentes et statuts de la création de l’académie en 1635, ainsi que ses règlements modifiés en 1721 et 1752, durant la révolution puis en 1816, portent la signature des rois et des dirigeants successifs de la France. Louis XIV, par exemple lui a délégué la tâche de « travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à la langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter des arts et des sciences ». Ce qui démontre de l’importance accordée à la langue et surtout à son orthographe par le peuple français.
C’est ainsi que, malgré les nombreux débats sur les reformes de l’orthographe, certains préalables sont restés valides. Il s’agit du maintien du système actuel dans son ensemble, avec également un certain respect de l’étymologie latine ; la non-remise en cause de l’alphabet actuel ainsi que des correspondances graphiques fondamentales du français et le respect de l’orthographe « grammaticale » et des distinctions d’homonymes. En d’autres termes, l’orthographe française est construite sur des normes et règles solides, et ne peut être modifiée ou transcrit selon nos propres choix des graphies, ou « au gré de nos intérêts ». Nous savons avec Pierre Léon (1996) que « la première propriété du signe linguistique est d’être conventionnel. Toute infraction à la règle admise est sanctionnée socialement ». Ainsi, quelqu’un qui écrirait par exemple, selon l’auteur « boisson» comme « bwasson», en français, sera classé comme étant un défaut d’orthographe.
Pour la meilleure construction des belles lettres de la langue française, de son évaluation se fera par la dictée. Ce faisant, l »exercice de la dictée a toujours été un élément d’apprentissage de l’orthographe. On se souvient (encore) de l’embarras d’Emille Faguet sur la présence et la transcription des doubles lettres dans un mot. Chose qui n’a jamais été une tâche facile. C’est souvent un véritable embarras, et même les plus érudits ne s’en n’échappent. Vincent Lucci et Yves Naze (1973) révèlent le cas embarrassant du linguiste et académicien Emille Faguet qui s’interroge sur la capacité à tout individu à réussir la transcription orthographique correcte des mots comportant des doubles lettres. Ainsi, se demande-t-il : « Moi, professeur, moi professeur de français, moi écrivain, moi académicien, qu’est-ce qui me gêne ?…les doubles lettres et les mots tirés du Grec.
« La dictée est un instrument de sélection et d’apprentissage de la langue dans nos écoles et collèges »
Les doubles lettres toujours et presque toujours : je sais écrire accablement oui, mais j’hésite encore sur apercevoir et agressif. Si moi, je suis dans l’embarras, je dois conclure que les ‘’primaires’’ sont y sont toujours ». C’est dire que si les plus érudits comme Emille Faguet hésitent encore à écrire les doubles lettres, il faut se demander qu’en sera-t-il des élèves et collégiens ? C’est pourquoi, Vincent Lucci et Yves Naze (op.cit) suggèrent l’exercice de la dictée ou de l’orthographe écrite comme pouvant permettre de maintenir aux respects des impératifs généraux de transcription orthographique, des spécificités des accords grammaticaux, des exigences des préfixes, des suffixes, le maintien graphique des radicaux et les contraintes phonologiques, morphologiques et syntaxiques de la langue française. Cet exercice a l’avantage de permettre surtout, bien plus, une grande aisance future dans l’écriture des textes, des mots et lettres.
Autrement dit, la dictée est un élément de soutien, de maintien et de perfectionnement de l’orthographe et donc de la langue. Elle permet, pour ainsi dire, aux apprenants de la langue d’avoir la compétence d’éviter la dénaturation de la langue et des principes qui la registrent ou la gouvernent. Comme déjà avancé, l’orthographe française a une origine sociale et politique liée à l’imposition du français comme langue nationale appuyé par des décrets depuis 1721. On y retrouve maintes traces du passé et elle forme un lien solide entre des états de langues séparés par plusieurs siècles d’histoires. Donc, l’orthographe est comme l’une des composantes essentielles de cette langue. Ce serait donc maladroit de « minimiser » les mots et orthographes de la langue. (Enfin), il convient de noter que l’orthographe est « la forme visible et durable des mots » d’une langue.
Si l’orthographe venait à être simplifiée et dénaturée, elle serait vite «démythifiée » et perdrait une grande partie de son importance et pourrait, par exemple, cesser d’être un instrument de sélection et d’apprentissage de la langue dans les écoles et collèges. La dictée est un instrument de sélection et d’apprentissage de la langue dans nos écoles et collèges. Juste un « Nzassa » linguistique sur l’orthographe et la dictée… Merci et à bientôt pour le prochain billet linguistique.
Théodore KOSSONOU
Professeur agrégé linguistique.