A L’approche du 6 août 2022, veille de la fête de l’indépendance, et où le chef de l’Etat doit s’adresser à la nation, les ivoiriens dans leur entièreté et dans leur diversité, s’attendent à des actes forts à poser par celui-ci, pour véritablement mettre le pays sur les rails de la réconciliation.
Côte d'Ivoire: La réconciliation, comme une poursuite du vent
Si tout le monde s’accorde pour aller à la réconciliation, le contenu à y mettre diffère d’un interlocuteur à un autre, tout comme le modus operandi pour y parvenir. Mais disposant déjà des résolutions du dernier dialogue politique, le chef de l’Etat a de la matière pour prendre des décisions à l’effet de décrisper véritablement l’atmosphère politique. Sur le principe et en faisant de la « fiction », la réconciliation aurait dû tourner autour de quatre axes principaux :
- Le devoir de vérité
- Le devoir de justice
- Les réparations aux victimes
- Les réformes à opérer.
A ces axes définis, il aurait été bienséant de désigner de façon claire, les acteurs devant prendre part au processus afin que les contours des problèmes à évoquer et à évacuer pour atteindre les objectifs, soient cernés de façon exhaustive. Ainsi, outre les acteurs de la classe politique et de la société civile ivoirienne, il aurait été bien indiqué que l’Onu, et sa branche ivoirienne pendant la crise de 2010, l’Onuci, la France, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la Cedeao soient présentes et entendues. Chacun de ses acteurs a eu à jouer à un moment donné, un rôle majeur dans la crise ivoirienne, rôle qui ne saurait être occulté si l’objectif est de définitivement tourner la page et espérer ne plus tomber dans les mêmes travers.
- L’Onu, à travers son ancien Secrétaire Général, le coréen Ban Ki Moon, doit expliquer aux ivoiriens, en quoi le recomptage des voix était une injustice à l’égard du candidat Ouattara, au point de lui préférer (le recomptage des voix), la confrontation armée avec des milliers de morts.
- Son compatriote Choï, son représentant permanent en Côte d’Ivoire et patron de l’Onuci, devra lui aussi dire en quoi consistait la certification des élections, à l’effet d’éclairer la lanterne de tous et de comprendre réellement ce qui s’est passé. Fallait-il certifier le déroulement du processus électoral, en appréciant l’organisation et le respect des standards internationaux, ou s’agissait-il de désigner le vainqueur des élections ?
- La France qui a été à l’initiative de la résolution de l’Onu sur la Côte d’Ivoire, et qui dès son adoption, a pris sur elle de bombarder les camps militaires et la résidence des chefs d’Etat de Côte d’Ivoire, se devait aussi de s’expliquer. Ces bombardements ont fait de nombreux morts et ne sauraient être passés par pertes et profits. Elle devrait en outre apporter la preuve que le président Laurent Gbagbo a utilisé des armes lourdes contre des civils, ce qui l’a motivée à être à l’initiative de la résolution de l’Onu. Elle devait également expliquer à quoi répondait le bombardement du Chu de Cocody et d’un supermarché dans le même quartier. Est-ce des objectifs militaires ou a-t-elle délibérément choisi d’en faire des exemples ?
"C’est le Conseil Constitutionnel qui proclame les résultats définitifs et le vainqueur de ces élections"
- L’Union Européenne devait également des explications aux ivoiriens. Elle devra expliquer le bien fondé de ses embargos sur la Côte d’Ivoire, surtout l’embargo sur les médicaments. Elle nous dira pourquoi elle n’a pas eu à faire sa propre lecture de la situation, mais s’est systématiquement alignée sur les positions de la France.
- L’Union Africaine et la Cedeao, devraient également nous expliquer leurs attitudes belliqueuses, leur propension à vouloir en découdre avec l’armée ivoirienne, pour un contentieux électoral, au moment où elles sont incapables d’envoyer des troupes combattre Boko Haram qui enlevait des lycéennes au Nigéria, ou aider le Mali à se débarrasser des djihadistes
- La France, l’Onu, l’Union Européenne, l’Union Africaine et la Cedeao devaient enfin nous dire s’il leur revient de proclamer le vainqueur d’une élection en lieu place de l’institution nationale qui en est chargée. Au plan interne, plusieurs interrogations demeurent et devaient avoir des réponses pour faciliter la compréhension d’une situation qui est une véritable dissonance cognitive pour certaines personnes:
- Comment dans un pays démocratique, on peut proclamer un président élu à partir des résultats provisoires, donnés hors délai et en dehors de son siège par la structure en charge des élections? Faut-il rappeler que cette structure ne donne que des résultats provisoires et qu’en dernier ressort, c’est le Conseil Constitutionnel qui proclame les résultats définitifs et le vainqueur de ces élections? Sa décision est non susceptible de recours et de contestation. Comment a-t-on réussi l’exploit de considérer des résultats provisoires comme définitifs et contester une décision qu’on n’a pas le droit de contester? Les démocrates doivent nous l’expliquer.
- Comment comprendre également qu’un candidat à une élection présidentielle, qui n’est ni chef d’Etat, ni président de la République, puisse disposer d’une armée qui guerroie pour lui, sans que cette situation ne choque les démocrates auto-proclamés ? Les réponses à toutes ces interrogations auraient permis de mieux apprécier la situation, et donner des leçons pour demain. Mais ce n’était... qu’une « fiction ». En tout état de cause, arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.