Paris : Il y a 60 ans, la police française massacrait près de 200 algériens

France - Algérie: Que s’est-il passé le 17 octobre 1961 à Paris ?
Par Eugène SAHI
Publié le 18 octobre 2021 à 13:56 | mis à jour le 18 octobre 2021 à 13:56

17 octobre 1961 - 17 octobre 2021, voici l'histoire sombre d’une répression sanglante à Paris contre des Algériens manifestant pacifiquement pour demander l’indépendance de leur pays et l’arrêt du couvre-feu qui les vise.

France - Algérie: Que s’est-il passé le 17 octobre 1961 à Paris ?

Alors que leurs relations diplomatiques entre Paris et Alger sont toujours au plus bas niveau, la France et l’Algérie ont commémoré, dimanche 17 octobre 2021, un triste anniversaire. Il y a 60 ans, au moins 200 Algériens ont été tués par la police lors d’une manifestation à Paris, certaines sont jetées dans la Seine.

A l’appel de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), au moins 20 000 Algériens avaient défilé pour défendre pacifiquement une « Algérie algérienne » et dénoncer un couvre-feu imposé à ces seuls « Français musulmans d’Algérie ».

Il a fallu attendre 40 ans avant que les faits soient reconnus.

Les faits du 17 octobre 1961

Alors que la guerre d’Algérie (1954-1962) touche à sa fin, rapporte Le Monde, la tension entre la police parisienne, alors dirigée par Maurice Papon – également impliqué dans la rafle de 1 600 juifs à Bordeaux entre 1942 et 1944 – et le FLN, s’accroît, jusqu’à la mise en place d’un couvre-feu, pour les « Français musulmans d’Algérie» uniquement.

Pour boycotter cette règle discriminatoire, la Fédération de France du FLN organise, le 17 octobre 1961, une large manifestation appelant hommes, femmes et enfants à défiler dans la capitale. La mobilisation est voulue pacifique, toute arme étant strictement interdite.

En fin d’après-midi, poursuit le média français, au moins 20 000 Algériens – et jusqu’à 40 000 selon des estimations internes au FLN, gagnent ainsi la rue. Mais la manifestation est rapidement et durement réprimée par la police parisienne, échaudée par la diffusion de fausses informations faisant état de plusieurs morts et blessés parmi les forces de police.

Ce mardi-là, 10 000 policiers sont mobilisés pour contrôler les trois points de rassemblement prévus par le FLN à Paris : sur les Champs-Elysées, entre les places de l'Opéra et de la Bastille et dans le quartier Saint-Michel. Dans l'optique d'une manifestation pacifique, le FLN a demandé aux participants de venir avec femmes et enfants et de ne pas porter d'armes.

"Il était impensable que nous soyons tenus pour responsables du moindre débordement", raconte à L'Humanité, Hocine Hakem, jeune militant du FLN à l'époque.En fin d'après-midi, Fatna Souni, arrivée d'Algérie quelques mois plus tôt, se prépare chez elle à Nanterre pour aller manifester dans la capitale.

Elle revêt une belle robe, un foulard pailleté et chausse ses plus beaux souliers achetés chez Bata. "Personne n'est resté chez soi, tout le monde s'est mobilisé, sauf les femmes qui venaient d'accoucher", raconte l'octogénaire à franceinfo dans sa langue natale, en laissant à sa fille le soin de traduire.

Avec son mari, militant du FLN, et son fils de 7 ans, elle rejoint d'abord le quai de la gare de Nanterre. "Les policiers ne frappaient pas beaucoup et les gens sont arrivés à monter dans le train", se remémore-t-elle. Une fois à Saint-Lazare, de nombreux policiers attendent les manifestants.

De nombreux manifestants sont tués : passés à tabac, dans la rue ou dans les centres d’internement vers lesquels ils étaient emmenés, jetés dans la Seine ou bien abattus par balle.

Lors de cette nuit sanglante, au moins 12 000 Algériens ont été arrêtés, et au moins 120 ont été tués, mais les estimations de certains historiens, portent même le bilan à plus de 200 morts.


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